Droit et Économie - La petite entreprise - 164

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en cas de partage amiable. Mais dans le cas contraire ? Les règles d'attribution préférentielle ne joueront pas systématiquement en faveur de l'héritier
repreneur si la condition de sa participation effective à l'exploitation de l'entreprise n'a pas été suffisamment remplie ou s'il se révèle inapte à la gestion.
En somme, il faudra peut-être attendre que le juge démêle l'écheveau avant
que la reprise d'affectation puisse fonctionner correctement, surtout s'il se
trouve plusieurs héritiers candidats à cette reprise, le juge n'ayant alors d'autre solution que de départager les concurrents selon l'aptitude de chacun à
la gestion et les intérêts en présence36. Les bonnes intentions de reprise
auront-elles survécu jusque-là ?
Le statut d'EIRL est un peu, dans le monde de la petite entreprise, comme
le chant des sirènes. L'entrepreneur peut l'entendre et y céder avec l'espoir
de limiter sa responsabilité vis-à-vis de ses créanciers professionnels. Il y parviendra parfois. Cependant, les créanciers ont les moyens de réduire ses
espoirs à la portion congrue. Surtout, le cloisonnement des patrimoines
doit pouvoir s'inscrire dans la durée au sein d'un ordre juridique plus
vaste dont le droit patrimonial de la famille fait partie. Or là se nichent
bien des écueils sur lesquels le statut d'EIRL risque fort de se briser. La
faute en revient principalement au législateur qui s'est borné à élaborer
sur le papier un statut protecteur sans se préoccuper vraiment de son insertion dans le droit. Certes, quelques dispositions du Code de commerce intéressent le régime matrimonial de l'entrepreneur ou la transmission par
donation ou succession du patrimoine affecté à son activité, mais de façon
parcellaire et parfois même décalée. Pour le reste : silence complet. Le
législateur s'est déchargé sur l'interprète et, le cas échéant, sur le juge, du
soin d'apporter des réponses aux multiples interrogations que soulève l'articulation du statut d'EIRL avec le droit de la famille. Il est permis de le
regretter. Et ceux qui voient dans un tel statut un modèle pour organiser
un régime unique applicable à toute entreprise individuelle devraient y
réfléchir à deux fois. En tout cas, en l'état actuel de la législation, et faute
d'une réflexion d'ensemble, l'exemple n'est guère à suivre. Il serait préférable, selon nous, de remettre le travail législatif sur le métier pour corriger
en droit civil les imperfections et combler les lacunes du statut d'EIRL, si du
moins l'on veut lui donner quelques chances sérieuses de réussite. Il ne faut
donc pas se décourager. Après tout, comme le disait Rabelais, « le plaisir de
la réussite tient dans la difficulté à l'atteindre ». Et assurément, en la
matière, le vrai plaisir est encore devant nous.

36. C. civ., art. 832-3.

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