Droit et Économie - La petite entreprise - 166

166 LA PETITE ENTREPRISE

Indéniables, l'ancienneté et la stabilité de l'obligation de tenir une comptabilité dans notre droit constituent surtout un élément essentiel et même
indissociable de la qualité de commerçant, comparable à la compétence
exclusive réservée aux juridictions consulaires pour traiter de leurs litiges.
Ce lien inaltérable tient à n'en pas douter à l'objet même et aux fonctions
assignées corrélativement à la comptabilité. Cette dernière, parce qu'elle
constitue le moyen le plus sûr d'apprécier la situation économique et financière de l'entreprise, est un outil d'information précieux, non seulement
pour ses animateurs, mais encore pour ses acteurs internes (associés, salariés), ses partenaires commerciaux ou encore l'administration fiscale2. On
perçoit ainsi la dimension d'intérêt général qu'elle revêt, et qui est encore
attestée par les nombreuses sanctions civiles et surtout pénales dont les obligations comptables sont assorties3. Tout concourrait donc à ce qu'il continue à en aller de même, et ce quelle que soit l'entreprise considérée.
Pourtant, depuis quelques années, le changement de logique est patent, et
aboutit, en ce domaine comme en d'autres, à un éclatement du dispositif
mis sur pied par les pouvoirs publics. Pour en déceler l'origine, il convient
ici de dépasser la stricte échelle de l'Hexagone, et de se tourner vers l'Union
européenne. C'est en effet à cette dernière que revient la paternité du choix
d'opérer une distinction entre les entreprises en fonction de leur importance
économique, de manière à « mieux légiférer », pour reprendre les termes
mêmes employés par la Commission dans sa première communication proposant une série d'actions destinées à simplifier et améliorer la législation de
l'Union européenne (UE)4. S'agissant de la simplification même de l'environnement réglementaire des entreprises, ce vœu s'est ensuite plus concrètement matérialisé avec le lancement de son programme d'action visant à
réduire les charges administratives résultant de la réglementation européenne, au premier chef desquelles celles afférentes à la comptabilité et au
contrôle des comptes5.
2. Pour un rappel sur ce point, v. par exemple PÉDAMON M. et KENFACK H., Droit commercial - Commerçants et fonds de commerce - Concurrence et contrats du commerce, 4e éd., 2015, éd. Dalloz, spéc.
nº 190.
3. Voir simplement à titre d'exemple la peine d'emprisonnement de cinq ans et l'amende de
375 000 euros auxquelles s'exposent les dirigeants des différentes formes de sociétés à risque
limité en cas de présentation de comptes annuels ne donnant pas une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine à l'expiration de
cette période en vue de dissimuler la véritable situation de la société (C. com., art. L. 241-3, 3º,
L. 242-6, 2º, L. 243-1 et L. 244-1).
4. Communication de la Commission, 5 juin 2002, Plan d'action « simplifier et améliorer l'environnement réglementaire ».
5. Communication de la Commission européenne relative à la simplification de l'environnement des sociétés en matière juridique, comptable et de contrôle des comptes, 10 juin 2007,
sur laquelle voir not. LECOURT B., Rev. sociétés 2007, p. 646.

Droit et Économie - La petite entreprise

Table des matières de la publication Droit et Économie - La petite entreprise