Droit et Économie - La petite entreprise - 178

178 LA PETITE ENTREPRISE

§ 1. Les risques menaçant la petite entreprise
La multiplication des dérogations consenties aux petites entreprises au
regard de leurs obligations comptables tend indéniablement à marginaliser
l'importance de ces dernières. Le phénomène mérite une attention soutenue, si l'on veut bien revenir à notre point de départ et nous souvenir à
quel point de telles obligations sont intrinsèquement liées à la qualité de
commerçant depuis l'origine. Or, ce lien n'est nullement le fruit du hasard,
et son récent émoussement suscite inévitablement quelques interrogations.
Il faut rappeler en effet l'utilité des obligations comptables (A) et constater
qu'en les amoindrissant, le législateur poursuit à certains égards une politique empreinte de lourdes contradictions (B).

A. L'utilité des obligations comptables
Emporté par la déferlante de la simplification, le législateur n'a-t-il pas eu
trop tendance à oublier que les obligations comptables constituent un outil
dont le maniement est extrêmement précieux, sinon indispensable, pour
les dirigeants de l'entreprise comme pour leurs éventuels mandants ?
D'une part, par définition, les données comptables de l'entreprise offrent
des informations indispensables pour connaître précisément son état de santé,
et plus généralement pour se projeter vers l'avenir aux fins d'apprécier ses
perspectives de succès durable. D'autre part et surtout, elles constituent
dans le même temps un outil de gestion particulièrement prisé des dirigeants,
dans le sens où elles leur permettent de prendre autant que faire se peut les
bonnes décisions. Le travail d'information est alors utilisé à deux égards,
non seulement pour apprécier la rentabilité de l'activité passée, mais encore
et surtout pour adopter les meilleures décisions d'orientation futures. Or,
s'agissant des petites et micro-entreprises, de telles observations prennent
d'autant plus de poids que le dirigeant/entrepreneur est déjà fortement
isolé dans la gestion de son activité47, si bien que l'outil de la comptabilité
peut constituer un appui particulièrement appréciable, davantage encore
que dans les autres types d'entreprises.
Ces considérations pourraient être perçues comme un simple cliché, mais
le fait est que le législateur se révèle lui-même conscient de la grande pertinence de l'usage de l'outil comptable. L'observation peut tout d'abord être
vérifiée dans le cadre du droit des sociétés in bonis. Deux dispositions spéciales
propres à cette matière en offrent une parfaite illustration.
La première est bien connue, et est commune à toutes les sociétés à risque
limité. Elle consiste à imposer aux associés une réaction, face à la forte
dégradation des capitaux propres par rapport au capital social. Deux remèdes
47. Voir sur ce point, la contribution de AUBART C., dans ce volume.

Droit et Économie - La petite entreprise

Table des matières de la publication Droit et Économie - La petite entreprise