Systèmes Cours - Droit du marché intérieur européen - 5e - 183

Les limites à la liberté de circulation

droit des sociétés leur paraissent les moins contraignantes, puis de créer
une succursale dans leur propre État, ne saurait constituer un usage
abusif du droit d'établissement, quand bien même la société n'exercerait
aucune activité dans l'État membre de son siège et exercerait ses activités
uniquement dans l'État membre de sa succursale. Cette jurisprudence
limite les possibilités de recours par un État à la théorie de l'abus de droit
et oblige celui-ci à se placer sur un autre terrain.
La Cour a apporté des précisions intéressantes sur la prise en compte
de la fraude à la loi dans le cadre du traitement fiscal des groupes de
sociétés transnationaux2 : elle requiert, en plus de la volonté d'obtenir un
avantage fiscal indu, des éléments objectifs indiquant que la société
étrangère contrôlée ne correspond pas à une réalité économique et serait
donc une simple boîte aux lettres ou une société écran (arrêt du 2 mai
2006, Eurofood IFSC, aff. C-341/04, et 12 septembre 2006, Cadbury
Schweppes Plc et Cadbury Schweppes Overseas Ltd, aff. C-196/04).
La question de l'usage abusif du droit d'établissement dans le cadre de
la directive 98/5/CE visant à faciliter l'exercice permanent de la profession
d'avocat a fait l'objet de précisions importantes (arrêt du 17 juillet 2014, gde
ch., Angelo Alberto Torresi et Pierfrancesco Torresi, aff. C-58/13). La Cour
considère qu'à lui seul le fait de choisir l'État membre dans lequel le
régime est le plus favorable pour obtenir la qualification professionnelle ne
constitue pas un abus de droit. L'abus de droit exige la réunion de deux
conditions : le fait que malgré le respect formel des conditions prévues par
la réglementation de l'Union, l'objectif poursuivi par cette réglementation n'a
pas été atteint (condition objective) et le fait qu'il existe une volonté d'obtenir
un avantage indu résultant de la réglementation de l'Union en créant
artificiellement les conditions requises pour l'obtention de celui-ci
(condition subjective). Or en l'espèce la condition objective n'est pas
remplie : l'acquisition d'un titre professionnel dans un autre État membre
et le retour ultérieur de l'intéressé dans son État d'origine est « inhérent à
l'exercice dans un marché unique, des libertés fondamentales garanties par
les traités » (pt 48).

B. L'admission de raisons impérieuses d'intérêt général
103. Dans le cadre d'une démarche visant à assurer la cohérence du
régime des libertés de circulation, la Cour de justice a opéré une
transposition aux personnes et aux services de sa jurisprudence Cassis
de Dijon élaborée en matière de libre circulation des marchandises3. On
retrouve en matière de libre prestation de services (2) puis en matière de
droit d'établissement (3) et enfin en matière de libre circulation des
2. C. PRIETO, « Liberté d'établissement et de prestation de services », Chronique RTDE 2007,
nº 1.
3. V. HATZOPOULOS, « Exigences essentielles, impératives ou impérieuses : une théorie, des
théories ou pas de théorie du tout ? », RTDE 1998, nº 1, p. 191.

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