Cours - Droit des sûretés et de la publicité foncière - 3e - 23

Introduction
re est quàm in persona (la chose offre plus de garantie que la personne)21. Dans l'ancien droit, on dira
également que mieulx vault gaige en arche, que plège en place, ce qui signifie qu'il est préférable pour
le créancier d'avoir un objet gagé du débiteur dans son coffre, plutôt qu'une caution engagée à
garantir la dette du débiteur principal. Les sûretés réelles assurent au créancier une probabilité
plus grande d'être payé. Mais elles présentent l'inconvénient d'être plus onéreuses à constituer en
raison des formalités qu'elles entraînent en général.
Les sûretés personnelles sont beaucoup plus faciles à constituer et, en général, peu onéreuses.
Il est vrai que la multiplication des charges imposées au créancier d'un cautionnement conclu par
acte sous signature privé les incite nettement à le conclure par acte authentique pour y échapper,
ce qui renchérit le coût de constitution de la sûreté. En revanche, les sûretés personnelles sont
moins efficaces que les sûretés réelles. Elles n'empêchent pas le créancier d'être en concours
avec les autres créanciers du garant. Par rapport à lui, le créancier demeure un créancier chirographaire soumis à la loi du concours. Au moins en apparence, la sûreté personnelle laisse intact le
crédit de son constituant. Le garant est alors tenté d'en user ou d'en abuser en prenant d'autres
engagements à l'égard d'autres créanciers, engagements qui affaiblissent d'autant l'efficacité de la
sûreté personnelle initiale.
11 Avantages comparés : plège plaide. - En outre, le garant personnel, et notamment la caution,
s'exécute rarement avant d'avoir été condamné par le juge par une décision définitive22. C'est une
tendance assez évidente du droit des sûretés. Le contentieux relatif aux sûretés personnelles est
beaucoup plus important que celui relatif aux sûretés réelles. En matière de cautionnement, le
contentieux est alimenté par les nombreuses protections dont bénéficie la caution. Loisel résume
parfaitement ces considérations avec l'adage : de foi fi : plège plaid ; de gage, réconfort : d'argent
comptant, paix et accord23. De foi fi : on ne peut se fier seulement à la promesse de paiement qui,
l'expérience le montre, n'est pas toujours honorée par le débiteur. De plège plaid : le plège, c'est-àdire la caution, choisit plus souvent de plaider que de payer, afin de retarder le plus possible
le moment où il devra débourser ce qu'il doit. De gage, réconfort : la réalisation de l'objet gagé sans
le concours du débiteur permet d'obtenir de l'argent comptant et la satisfaction du créancier :
d'argent comptant, paix et accord.
12 Dispersion du droit des sûretés. - Le droit des sûretés est une branche du droit civil contenue
principalement, pour cette raison, dans le Code civil. Mais il a tendance, comme beaucoup d'autres
branches du droit, à se fractionner et finalement à se perdre. Outre le Code civil, le droit des sûretés
est contenu également dans le Code de la consommation et dans le Code de commerce24. Ces deux
codes principaux contiennent des dispositions qui dérogent au Code civil de deux façons distinctes.
Certaines dispositions instituent de nouvelles sûretés que le Code civil ne connaît pas. D'autres
dispositions dérogent aux sûretés existantes dans le Code civil en modifiant telle ou telle condition
ou tel ou tel effet produit normalement par la sûreté. Le Code de la consommation manifeste une
tendance restrictive par la multiplication des exigences tournées vers la protection du garant, le
Code de commerce une tendance contraire.

21. Roland H. et Boyer L., Adages, nº 328. - Dig. 50, 16, 25 : « Il y a plus de sûreté dans les obligations réelles que dans les personnelles ».
22. Portemer J., « Quelques réflexions sur le cautionnement dans la pratique commerciale française contemporaine », Mélanges
offerts à P. Andrieu-Guitrancourt, L'année canonique, Tome XVII, 1973, Paris, Faculté de Droit Canonique, p. 797.
23. Loysel A., Institutes coutumières, avec les notes de E. de Laurière, Nouvelle éd. revue et corrigée par MM. Dupin et Laboulaye,
Durand Lib., Vidocq Père et Fils Lib., 1846, Paris, Tome I, nº 486 et Tome II, nº 670.
24. En réalité, s'il fallait être exhaustif sur cette question, il faudrait passer en revue beaucoup d'autres Codes qui contiennent
aussi des dispositions instituant des sûretés particulières (CMF, C. assur., CPI, C. Rur., etc.).

Table des matières de la publication Cours - Droit des sûretés et de la publicité foncière - 3e