Exercices pratiques - Instruments de crédit et de paiement - 10e - 157

Sujet 14 * Le chèque

157

qui alimentent le compte ont une affectation spéciale, il est interdit au client d'en
disposer autrement, comme le soutient la banque PROSERPINE (dans ce sens, par
ex., Lyon, 4 mai 1983, D. 1984.IR.70, obs. Cabrillac). Le client engage sa responsabilité contractuelle en ne respectant pas la destination des fonds qui lui ont été
remis, c'est-à-dire, dans notre cas, le paiement de l'entreprise de construction et
non le règlement du vendeur d'automobile. Cette contravention aux accords pris
peut justifier la clôture du compte ou la résolution du contrat de crédit pour faute
contractuelle, dans les conditions de droit commun. Le banquier, de son côté, serait
fautif s'il affectait les fonds, de sa propre initiative, à une autre opération, comme le
comblement du découvert de son client (Com. 3 nov. 1992, Bull. n° 336, affirmation
à nuancer, v. infra, Com. 8 oct. 2002, Bull. n° 137).

B. Portée de la convention à l'égard des tiers
C'est dans notre cas un tiers qui risque de souffrir de cette indisponibilité par affectation spéciale. Lui est-elle opposable ? La chambre commerciale de la Cour de
cassation a répondu par la négative (Com. 25 mars 1991, RTD com. 1991. 417,
obs. Cabrillac et Teyssié ; RDBF 1991. 145, obs. Crédot et Gérard ; JCP E 1991. I.65,
obs. Gavalda et Stoufflet). On peut en effet considérer que l'inscription en compte
« ordinaire » fait disparaître les spécificités de la créance qui fusionne avec le solde
disponible. Le tiré ne peut pas opposer au tiers une convention occulte car il aurait
ainsi toute liberté d'affecter le solde plutôt au paiement de l'un qu'au paiement de
l'autre (dans ce sens, M. Cabrillac, obs. RTD com. 1991, préc.). La banque peut,
toutefois, se voir reprocher par le tiers auquel les sommes prêtées étaient destinées à l'origine, une négligence ou faute dans la surveillance de leur emploi (Com.
18 nov. 1980, D. 1981. 210, n. Stoufflet ; Com. 18 mai 1993, Bull. n° 190 ; D. 1993.
609, n. Bénabent) ; si elle a accepté de les inscrire sur un compte bloqué au profit
d'un tiers nommément désigné, elle sera en faute de les verser à toute autre personne
(Nancy, 28 juin 1989, RDBF 1991. 145, obs. Crédot et Gérard ; de même si elle a
été chargée de réserver l'encaissement d'effets au paiement de sous-traitant et ne
respecte pas son mandat en créditant le compte de l'entrepreneur principal : Com.
19 avr. 1985, Bull. n° 118 ; D. 1986. Somm. 327, obs. Vasseur ; Banque 1985. 854,
obs. Rives-Lange). À l'inverse, la banque ne commet pas de faute si elle affecte
les fonds prêtés au remboursement du solde débiteur du compte plutôt qu'à celui
d'un précédent prêt dès lors que l'emprunteur avait la libre disposition de ces fonds
(Com. 8 oct. 2002, Bull. n° 137 ; sur son obligation de non-immixtion, v. R. Bonhomme,
op. cit., n° 45 et s.).
Dans notre cas, parce que l'affectation n'impliquait pas le versement des sommes
dans un compte spécial, son inopposabilité au tiers a vocation à s'appliquer et
PROSERPINE sera tenue de payer le bénéficiaire du chèque malgré l'affectation du
crédit immobilier.
Remarque : l'ouverture de crédit, notamment une autorisation de découvert, à concurrence
de sa partie non utilisée, ne constitue qu'une promesse de prêt à une personne dénommée ;
il s'ensuit que la fraction inutilisée de l'ouverture de crédit n'est pas saisissable par les tiers
(Com. 21 janv. 2004, n° 01-01129, Bull. n° 13 ; D. 2004, p. 1149, n. Jamin ; Banque et Dr.,
Table des matières de la publication Exercices pratiques - Instruments de crédit et de paiement - 10e
