Exercices pratiques - Instruments de crédit et de paiement - 10e - 226

Instruments de crédit et de paiement

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Mais les titulaires de ces comptes ne sont pas les mêmes : le compte-courant a pour
seul titulaire l'EURL (gérée certes par M. Socrate, mais personne juridique à part
entière), alors que le compte joint en a deux autres, les époux Socrate, et le troisième
compte, un seul, Mme Socrate. Les créances en sens inverse ne sont donc pas
réciproques entre les mêmes personnes : l'une lie le banquier (créancier) à l'EURL
(débiteur), l'autre les époux (créanciers), ou la seule épouse, au banquier (débiteur).
En conséquence, ces créances ne sont pas compensables légalement.
Le sont-elles conventionnellement ? La convention de compensation permet de
déroger à l'exigence de réciprocité (ou aux autres, comme celle d'exigibilité : le débiteur renonce au bénéfice du terme ; v. A Bénabent, Les obligations, Montchrestien,
Domat, 15e éd., n° 826). Le créancier (M. Socrate) veut libérer son débiteur (la banque
teneur du compte joint et du compte de madame sur lequel le mari a procuration)
en contrepartie de l'abandon par ce dernier de sa créance contre un tiers (l'EURL).
Il ne peut le faire que s'il a le pouvoir de disposer de la créance résultant du crédit
du compte personnel qui va être absorbé par le compte professionnel. Il faut alors
distinguer selon qu'il s'agit du compte joint ou du compte personnel de Mme Socrate.
- Le compte joint a deux titulaires, mais, à l'égard du banquier, cocontractant, l'un
d'eux peut, par sa seule volonté, donc sans l'accord de l'autre, disposer librement
des sommes qui y sont portées. La solidarité active qui caractérise le compte joint
autorise chaque titulaire (donc M. Socrate), en tant que créancier solidaire, à disposer
librement de la totalité du solde créditeur de son compte, le retirer à sa guise, sans
l'accord de son co-titulaire, et pourquoi pas, à combler avec ces sommes le découvert du compte de son entreprise. Entre co-titulaires, la propriété des fonds se règle
par leurs propres accords que nous ignorons en l'espèce.
- En revanche, sur le compte personnel de Mme Socrate, son mari n'est que mandataire (« procuration » révocable ad nutum, ce qui serait prudence dans notre cas !)
et non titulaire. Or Mme Socrate est un tiers à la convention de compensation ; elle
pourrait donc invoquer l'inopposabilité de celle-ci (principe de relativité des contrats :
C. civ., art. 1199, anc. art. 1165) pour réclamer au banquier la remise des choses
en l'état antérieur. Le banquier devrait recréditer son compte des 1 350 Ä ayant
servi à diminuer le découvert de l'EURL (sur l'utilisation de la convention d'unité de
comptes par un EIRL, v. R. Bonhomme, « Patrimoine affecté et convention d'unité
de compte, quelle compatibilité ? », Lect. infra). La jurisprudence en a jugé ainsi
à plusieurs reprises lorsque l'un des comptes était personnel à son titulaire alors
que l'autre compte était destiné à enregistrer des sommes qu'il recevait en qualité
de simple mandataire (v. Com. 14 mai 1991, Bull. n° 161, D. 1992. J.13, n. Martin ;
10 févr. 1998, Bull. n° 64, RTD com. 1998. 392, obs. Cabrillac ; 7 mars 2000, Doc. 2 ;
17 janv. 2006, Bull. n° 8 ; D. 2006. AJ. 440, obs. Delpech). Enfin, le banquier doit
utiliser la convention de compensation de bonne foi (par exemple, il est jugé que
« la banque, qui, en faisant fonctionner les comptes litigieux comme des comptes
indépendants, avait adopté un comportement incompatible avec l'application de la
convention litigieuse [d'unité de compte], dont elle a revendiqué ensuite le bénéfice,
avait manqué à son obligation de l'exécuter de bonne foi » : Com. 8 mars 2005, Bull.
n° 44 ; D. 2005. AJ. 883, obs. Delpech ; RTD com. 2005. 397, obs. Legeais).
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