Exercices pratiques - Instruments de crédit et de paiement - 10e - 43

Sujet 3 * La lettre de change

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Dans notre cas les indices de complaisance sont nombreux :
- tireur et tiré sont des amis très proches, ce qui explique qu'ils puissent se rendre
mutuellement un tel « service » ;
- ils sont tous deux en difficulté financière et ne peuvent plus obtenir de crédit dans
des conditions normales ;
- la provision ne semble pas exister ; aucun contrat commercial n'a été conclu entre
les deux parties dont l'activité professionnelle relève de spécialités sans relation
entre elles ;
- enfin, nous constatons qu'ils ont participé à ce qu'on appelle un tirage « croisé »,
chacun des complices étant tantôt tireur, tantôt tiré, l'escompte de la deuxième traite
servant probablement à payer la première à l'échéance et ainsi de suite (« cavalerie ») ...
La complaisance étant démontrée, il faut en tirer les conséquences : le titre est nul
et le complaisant est en droit de refuser de payer. Il reste à se demander si cette
nullité est opposable au porteur.

B. L'opposabilité du vice au porteur
La nullité absolue devrait conduire au non-paiement du porteur. Mais, très tôt, la
jurisprudence a considéré que cette sanction était trop grave à l'égard du banquier
escompteur, victime le plus souvent de l'apparente régularité du titre. La Cour de
cassation a donc admis que le tiers porteur de bonne foi (mais pas les créanciers
du complu : Com. 8 janv. 1979, Bull. n° 7) puisse se prévaloir de l'inopposabilité du
vice de complaisance en application de l'article 121 de l'ancien Code de commerce
(aujourd'hui art. L. 511-12) (la jurisprudence est ancienne et constante. V. par ex., Req.
10 mars 1915, S. 1916. I. 5., n. Lyon-Caen ; Com. 28 oct. 1964, Bull. n° 453).
Encore faut-il que le porteur (la BBA) soit de bonne foi ce qui conduit à s'interroger sur
la notion de bonne foi. Va-t-on utiliser celle de l'article L. 511-12 du Code de commerce
qui ne retient la mauvaise foi du porteur que lorsqu'en acquérant la lettre de change il
a « agi sciemment au détriment du débiteur » ? Cela suppose, conformément au sens
donné à ce texte par la jurisprudence, que la banque connaissait le vice, qu'elle savait
que ce vice subsisterait jusqu'à l'échéance et qu'en devenant porteur elle privait le
tiré de son droit de s'en prévaloir (dans ce sens, Com. 22 janv. 1974, D. 1974. 408).
Doit-on, au contraire, préférer une notion plus classique de la mauvaise foi selon
laquelle le porteur serait de mauvaise foi s'il connaissait ou aurait pu connaître le vice
de complaisance ? Cette deuxième définition, plus sévère, souvent retenue par les
juges, a les faveurs de la doctrine (Com. 11 mars 1959, Doc. 1 ; Com. 21 juin 1977,
Doc. 2 ; Cabrillac, La lettre de change dans la jurisprudence, n° 39). La différence estelle vraiment déterminante ? Si le banquier, professionnel avisé, dispose des éléments
pour connaître la complaisance et fait preuve de légèreté en ne se renseignant pas
davantage, n'est-il pas déjà conscient d'agir au détriment du débiteur cambiaire, au
sens de l'article L. 511-12 du Code de commerce ? (v. J. Stoufflet, Instruments de crédit
et de paiement, Litec, 8e éd., 2012, n° 38 ; v. infra, Sujet 8).
Dans notre cas, il y a de fortes chances pour que la BBA se voie reprocher sa
mauvaise foi. En effet, elle a eu en main tous les éléments lui permettant de douter
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