Exercices pratiques - Instruments de crédit et de paiement - 10e - 44

Instruments de crédit et de paiement

de la régularité de l'opération. Elle connaît tireur et tiré et très certainement leurs
difficultés financières puisque tous deux sont ses clients de longue date. De plus,
c'est elle qui a escompté les effets croisés alors qu'habituellement les fraudeurs
prennent au moins la précaution de recourir aux services de banques différentes
afin d'éviter que la supercherie ne soit découverte trop vite. Enfin, le montant des
traites est ici un chiffre rond, ce qui est rarement le cas pour le prix de marchandises
ou de services. La banque, si elle n'avait pas été ouvertement mise au courant par
les complices, pouvait donc se douter qu'aucune opération commerciale ne soustendait ces émissions et devait, alors, prendre de plus amples renseignements avant
d'escompter la troisième traite. L'exception lui est, en conséquence, opposable par
le tiré qui refusera pour ce motif de payer.
Remarque : ROUSSEAU pourra-t-il ainsi opposer sa propre turpitude en dépit de l'adage
Nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans ? On le lui permettra puisque la jurisprudence autorise le fautif à faire tomber l'acte contraire à l'ordre public. Elle n'applique nemo
auditur que pour empêcher le fraudeur d'obtenir restitution de ce qu'il a versé et semble en
restreindre aujourd'hui le domaine à la nullité reposant sur l'immoralité d'un acte contraire aux
bonnes mœurs.

III. Les arguments du tireur DIDEROT
La BBA pourrait envisager une action en garantie contre son remettant, le tireur
DIDEROT. Examinons-en les fondements possibles.

A. Action cambiaire
Il n'existe aucun moyen pour le porteur de mauvaise foi d'agir cambiairement. Le titre
est nul, donc les rapports cambiaires sont inexistants. Le tireur (comme le tiré) peut
opposer le vice de complaisance au porteur de mauvaise foi qui ne peut se retrancher derrière l'apparence (v. Com. 17 févr. 1959, Bull. n° 87 ; 28 oct. 1964, préc.)

B. Action de droit commun au titre du contrat d'escompte
Tout contrat de crédit, et l'escompte en est un, ouvre une action contractuelle en
remboursement au profit du banquier. L'escompte permettra-t-il alors le remboursement de BBA ? La réponse est négative. Le contrat d'escompte repose sur la lettre
de change, laquelle est atteinte d'un vice de complaisance. Si le but est illicite (vice
de complaisance) le contrat est nul et ne fondera aucune action.
Remarque : l'engagement de l'avaliseur en tant que caution, est également frappé de nullité :
Com. 11 janv. 2005, n° 02-12006, inédit, Doc. 3.

C. Action de remise en l'état antérieur
La nullité (rétroactive) conduit à remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat nul. Par conséquent, chacune doit restituer
ce qu'elle a reçu. La jurisprudence, (suivant en cela une partie de la doctrine :
V. J.-L. Rives-Lange, Les problèmes posés par l'opération d'escompte, Bibl. dr.

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