Exercices pratiques - Instruments de crédit et de paiement - 10e - 65

Sujet 6 * La lettre de change

65

B. Quelle est la portée de l'engagement de M. BLOC ?
M. BLOC n'indique pas expressément sur le titre le nom du signataire pour lequel
il donne son aval. Or l'engagement d'un avaliste est équivalent à celui d'une
caution (et non pas celui du souscripteur d'une promesse de porte-fort : Cass. com.
8 septembre 2015, n° 14-14208, doc 5), renforcé toutefois par les caractéristiques de
l'engagement cambiaire. C'est donc un engagement accessoire à celui d'un « débiteur principal » et dont la portée est déterminée par la nature et les composantes
de cette dette principale garantie. Il est tenu « de la même manière que celui dont il
s'est porté garant », ainsi qu'en dispose l'article L. 511-21 du Code de commerce. La
règle vaut sur le plan cambiaire, mais la Cour de cassation lui reconnaît des prolongements sur le plan de l'action de droit commun fondée sur la provision (v. Cass.
com. 1er avril 2014, doc 4)
Obs : Pour valoir cautionnement dans le cadre des relations extra-cambiaires, l'aval
donné par une personne physique au profit d'un créancier professionnel l'engagement doit comporter les mentions manuscrites prévues par les articles L. 341-2 et
L. 341-3 du code de la consommation, devenus L. 331-1 et L. 331-2 du même code
(Cass. com. 27 septembre 2016, doc 6).
Il convient donc de déterminer quel est l'engagement garanti par la caution. Faute
d'indication expresse, nous allons appliquer la présomption de l'article L. 511-21
alinéa 6 : « il est réputé donné pour le tireur ». Les incidences pratiques en sont-elles
importantes ? (v. à ce propos, R. Bonhomme, op. cit., n° 199 et s.).
a) Pour le tiers porteur, peu d'incidence ; dans les deux cas, avaliste du tireur ou du
tiré, M. BLOC avalise un signataire engagé cambiairement (tireur et tiré accepteur
puisque nous avons démontré que sa première signature vaut acceptation pour
sa société). Des différences apparaîtront toutefois relativement à la portée de son
engagement : le donneur d'aval pourra, en effet, opposer des exceptions, la prescription de l'action ou encore la négligence du porteur, dans les mêmes conditions
que la personne garantie (Com. 26 janv. 2010, Doc. 4). Par exemple, si le porteur
est négligent à l'échéance, le tireur qui a fait provision est libéré et peut lui opposer
sa négligence : son avaliseur aussi ; le tiré accepteur ne peut pas opposer la négligence, son donneur d'aval non plus (v. par ex., Com. 7 mars 1961, Bull. n° 124 ;
26 janv. 1971, Bull. n° 27 ; Cabrillac, La lettre de change dans la jurisprudence,
n° 35 ; Com. 20 oct. 1998, D. aff. 1998. 1906, obs. Delpech). La présomption de
provision est opposable au tiré accepteur, mais aussi à son donneur d'aval (Com.
1er avr. 2014, Doc. 4).
b) Pour le tireur, resté porteur de la première lettre de change, l'application de cette
présomption a des effets extrêmement désagréables : il ne pourra pas poursuivre
en paiement celui qui est considéré comme étant sa propre caution, son propre
avaliseur (v. par ex., Com. 25 janv. 1984, Bull. n° 39). Il va donc chercher à faire
tomber cette présomption car il est certain, qu'en fait, M. BLOC avait l'intention de
cautionner la société qu'il dirige.
Quelle est donc la force de cette présomption ? Depuis un arrêt des chambres réunies
du 8 mars 1960, la Cour de cassation la juge irréfragable sur le plan cambiaire, l'érigeant en règle de fond (Ch. réunies 8 mars 1960, D. 1961. 209, n. Hamel ; JCP 1960.
II. 11616, n. Roblot ; RTD com. 1960. 366, obs. Becqué et Cabrillac ; jurisprudence
Table des matières de la publication Exercices pratiques - Instruments de crédit et de paiement - 10e
