Exercices pratiques - Instruments de crédit et de paiement - 10e - 85

Sujet 8 * La lettre de change

85

douloureuses de l'ouverture du redressement judiciaire de son client. Mais d'un autre
côté, la banque pouvait croire, de bonne foi, aux possibilités de redressement de
CONSTRUTOP, eu égard à la commande obtenue. La banque était-elle consciente
de la probable incapacité de CONSTRUTOP à tenir ses engagements honnêtement ? Rien ne permet de le dire. Il reste donc à apprécier si la connaissance des
graves difficultés financières du client suffit à caractériser la mauvaise foi au sens
de l'article L. 511-12 du Code de commerce. Quelques éléments de réponse se
trouvent dans la jurisprudence. Il a été jugé que la preuve de la connaissance de
la situation irrémédiablement compromise du client peut être un élément constitutif
de la mauvaise foi du banquier. Cependant, elle est à elle seule insuffisante (Com.
18 juin 1979, Banque 1979. 1504, obs. Martin ; Com. 9 mai 1990, Banque 1990.
1212, obs. Rives-Lange) et doit s'accompagner de la certitude de la banque que
le client sera dans l'impossibilité de fournir la provision avant l'échéance (dans ce
sens v. aussi, Com 20 févr. 1990, Bull. n° 46 ; Com. 16 janv. 1996, LPA 1997, n° 85,
n. Courtier). La seule négligence ou faute de la banque, difficilement décelable en
l'espèce, n'est pas assimilable à la mauvaise foi au sens de l'article L. 511-12 du
Code de commerce (dans ce sens, par ex. Com. 13 janv. 1987, Bull. n° 11 ; Com.
8 janv. 1991, Bull. n° 11 ; Com. 18 mai 1993, Doc. 1). Toutefois, la tendance est
aujourd'hui à une plus grande sévérité : les juges ont ainsi retenu la mauvaise foi en se
fondant sur l'importance de la déclaration de créance du banquier dans la procédure
collective du client-remettant et son accès à des informations privilégiées le rendant
en mesure d'apprécier la situation désespérée de ce dernier (Com. 21 mai 1996,
RTD com. 1996. 500, obs. Cabrillac ; dans le même sens, Com. 10 juin 1997, Bull.
n° 176).
Dans notre cas, le tiré devrait démontrer que la banque BS savait que CONSTRUTOP
ne pourrait pas exécuter la commande dans des conditions conformes aux règles
de l'art et livrer un produit de qualité. À ce titre, ni le solde largement débiteur du
compte, ni l'interdiction bancaire ne suffisent à prouver que la situation est sans
espoir : bien des entreprises survivent fort longtemps du crédit bancaire et parfois
se redressent. L'appréciation est d'autant plus délicate que ce n'est pas un défaut
de livraison qui est reproché à l'entrepreneur mais une tentative de tromper le maître
de l'ouvrage sur la qualité marchandise ; le banquier ne pouvait s'en douter lors de
l'escompte (les difficultés financières ne rendent pas forcément malhonnête !) sauf
à connaître de précédents agissements similaires de son client.
Conclusion : Les juges apprécieront, mais les éléments de fait dont nous disposons
ne nous permettent pas d'affirmer que la banque a agi sciemment au détriment du
débiteur, même si elle a réduit le découvert du compte de son client ; comme le doute
profite à la bonne foi, nous opterons pour l'inopposabilité du défaut de provision à
la banque.

II. Le conflit entre le porteur et le sous-traitant
Le sous-traitant qui exerce l'action directe de la loi de 1975 contre le maître de
l'ouvrage, débiteur du prix des travaux, doit-il être préféré au porteur d'une lettre de
change acceptée par ledit maître de l'ouvrage ? Afin d'apporter une réponse claire,
rappelons les termes du conflit (A) avant d'en examiner la résolution (B).
Table des matières de la publication Exercices pratiques - Instruments de crédit et de paiement - 10e
