Droit et Société - La société d'austérité - 2017-2018 - 11

Préface
Le travail de connaissance sur le droit est actuellement l'objet d'évolutions
de grande ampleur. Rien ne l'illustre mieux que ce magistral essai d'António
Casimiro Ferreira sur La société d'austérité. Ses travaux reconnus au plan international sur les transformations du droit du travail le conduisent en effet ici à des
réflexions plus générales qui ne concernent rien moins que ce que j'appellerais
un changement de régime de régulation politique des sociétés contemporaines.
Ce changement implique fortement le droit et, par conséquent, contraint à concevoir de nouvelles façons d'analyser son statut et ses rôles.
La thèse avancée dans son ouvrage par António Casimiro Ferreira porte sur
la restriction des droits dans l'univers du travail, le « démantèlement » du droit
du travail, la remise en cause des droits des travailleurs. Ces transformations apparaissent comme une source de précarisation et d'insécurité des statuts, des positions, de fragilisation et d'incertitudes croissantes de l'emploi. Pour l'auteur,
qui fonde sa réflexion sur le cas portugais - celui-ci n'étant conçu que comme le
« laboratoire » de processus à l'œuvre dans l'ensemble des sociétés contemporaines - ce mouvement s'inscrit dans, et participe d'un, changement plus large lié
étroitement à l'avènement du néo-libéralisme. Dans ce contexte, la situation économique et l'argument de la « crise » justifieraient la mise en œuvre de politiques
d'austérité, dont une des principales déclinaisons est de consacrer la flexibilité et
l'adaptabilité des salariés aux impératifs du marché. Ce serait aux salariés qu'il
reviendrait d'abord d'assumer les coûts de la crise en supportant les conséquences d'une réduction drastique des coûts du travail et d'une politique de réduction de la protection sociale. Les effets généraux de ces politiques d'austérité
sont alors soulignés : ils se caractérisent par un accroissement des inégalités, de
la pauvreté et par l'extension d'un malaise social prenant notamment la forme
d'une perte de croyance dans le politique.
Une telle vision critique de l'évolution des sociétés est incontestablement inspirée par une École de pensée qu'on pourrait appeler « l'École de Coïmbra » dont
les travaux ont un retentissement considérable au niveau international. Boaventura de Sousa Santos en est la figure emblématique. Toutes les approches du droit
et de la justice de cet auteur ont été constamment le support de réflexions ambitieuses au plan théorique et épistémologique ayant pour finalité de mettre en valeur la capacité des peuples à être ou à devenir des acteurs à part entière du fonctionnement des sociétés, initiateurs de l'instauration d'ordres politiques alternatifs à l'ordre dominant, non seulement à l'échelle nationale, mais, plus encore, à
celle supranationale. Dans cette perspective, la mondialisation n'exprime pas

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 58, 201711
Droit et Société - La société d'austérité - 2017-2018

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