Droit et Société - La société d'austérité - 2017-2018 - 59

MUTATIONS DU POUVOIR

l'ordre juridique 9. Dans ce contexte, la mise en cause de l'État de droit est possible au regard de l'existence de deux facteurs nouveaux : l'autosuppression de
la souveraineté par la souveraineté 10 et l'existence d'un droit que se place en
dehors de lui-même.
C'est sur cette base politico-juridique que se réalise l'articulation entre le
pouvoir des élus et celui de non élus, dont les logiques combinatoires déterminent
des réformes porteuses d'incertitude et d'indétermination. Le pouvoir de gouverner se trouve désormais lié aux sources mêmes de l'incertitude ; il s'exerce de
manière incertaine, ce qui permet l'affirmation des régimes d'exception portant
atteinte à la souveraineté et au droit 11. Par ailleurs, le tâtonnement des réformes
imposées par le mémorandum de la Troïka et par l'agenda politique national, en
l'occurrence celui du gouvernement portugais, interdit que l'intervention gouvernementale soit sujette au principe du contradictoire. Où commencent les critères de la Troïka ? Quelles sont les limites de ceux proposés par les gouvernements ? Au Portugal, cette ambiguïté a permis la mise en œuvre des réformes
extrêmes qui ont ébranlé l'État et la société sans que des limites aient été annoncées.
Pour l'implémentation de réformes législatives, le gouvernement portugais,
en place en 2011 (coalition de droite - PSD et CDS-PP), a avancé un argument
central : il fallait honorer le mémorandum de la Troïka ! En réalité, ce gouvernement avait déjà présenté, au moment des élections législatives de 2011, de mesures convergentes avec celles de l'agenda néolibéral, en particulier celles concernant le marché du travail. Avec la maxime « Changer le Portugal - récupérer
la crédibilité et développer le Portugal », son programme politique prévoyait de
diminuer la participation de l'État dans le secteur entrepreneurial en annonçant
la nécessité de procéder à des privatisations, à la réduction des dépenses d'investissements 12, à la réduction de la taxe sociale unique (TSU) pour les entreprises,
idée polémique surgie en ce moment comme un objectif essentiel 13, le but ultime
de ce programme étant la flexibilisation du marché du travail. Quant à la réduction des coûts de production des entreprises, l'une des mesures phares de ce programme a été la création d'un « système dual », basé sur l'idée d'une nouvelle
typologie des contrats ; ces derniers ne devant pas mettre en péril les contrats
anciens, mais permettre la création de nouveaux emplois 14. Par rapport aux « politiques horizontales de la compétitivité », cela concernait notamment la dimension légale, à travers une flexibilisation de la législation du travail dans le cadre

9.
10.
11.
12.
13.
14.

Cf. Giorgio AGAMBEN, Homo Sacer - Sovereign Power and Bare Life, Stanford University
Press, California, 1998, p. 15.
Dans le sens où c'est l'État souverain qui échange sa souveraineté.
Cf. Giorgio AGAMBEN, op. cit.
Cf. Programme électoral du PSD - Parti social-démocrate, 2011, p. 51-52.
Ibid., p. 56.
Programme électoral du PSD - Parti social-démocrate, op. cit., p. 69-75.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 58, 201759

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