Droit et Société - La société d'austérité - 2017-2018 - 92

LA SOCIETE D'AUSTERITE

« working poor », « chômage », « dépendance », « insécurité émotionnelle »,
« endettement », etc., représentent des facteurs sociaux interprétés à la lumière
des propriétés sociales dont les effets affectent les groupes sociaux et les individus. Moins présente dans le débat théorique, la deuxième approche suit un autre
cheminement, celui de la reconnaissance de la vulnérabilité ontologique des individus, et de celle des institutions sociales. Cela correspond à une perspective
analytique de l'ordre social, déjà évoquée dans ce livre. Fut alors posée la question fondamentale de la possibilité d'un ordre social à partir de l'observation de
dynamiques de la société et de considérations ontologiques.
On l'a vu en Introduction, la vulnérabilité n'est pas une thématique nouvelle.
Elle apparaît explicitement ou implicitement dans les sociologies classiques et
contemporaines, plus récemment celles qui se réfèrent à la « société du risque » 3,
à la « misère du monde » 4, au « nouvel âge des inégalités » 5, à la « société précaire » 6, à la « mcdonnaldisation de la société » 7, à la « modernisation liquide » 8, à la « société excluante » ou au « vertige de la modernité tardive » 9.
Désenchantées, ces sociologies comprennent la problématique de la vulnérabilité
dans un continuum des transformations sociales qui se réalise sous l'égide de
l'idéologie capitaliste. C'est ce qui propose Zygmunt Bauman 10 lorsqu'il souligne l'importance des concepts d'insécurité, de peur, de méfiance comme des
phénomènes issus de la forte individualisation des sociétés. Il en va de même
pour Anthony Giddens 11. Celui-ci nous parle de l'insécurité ontologique à laquelle il faut opposer une sécurité ontologique, cela pour répondre aux questions
existentielles qui se posent actuellement à l'être humain. Aussi, Robert Castel 12
a traité des tensions existantes entre la notion d'insécurité et celle de protection
sociale en montrant que la dernière constitue la seule réponse à la vulnérabilité

3.
4.
5.

Ulrich BECK, op. cit.
Pierre BOURDIEU, La misère du monde, Seuil, Paris, 1993.
Pierre ROSANVALLON et Jean-Paul FITOUSSI (éd.), Le nouvel âge des inégalités, Seuil, Paris,
1996.
6. Robert CASTEL, L'insécurité sociale : Qu'est-ce qu'être protégé ?, Seuil et La République des
Idées, Paris, 2003. Serge PAUGAM, Repenser la solidarité. L'apport des sciences sociales, PUF,
Paris, 2007; Richard SENNETT, The culture of the new capitalism, Yale University Press, New
Haven, 2006.
7. George RITZER, The McDonaldization of Society, An Investigation Into the Changing Character
of Contemporary Social Life, Sage, London, 1995.
8. Zygmunt BAUMAN, Liquid Modernity, Polity Press, Cambridge, 2000.
9. Jock YOUNG, The Vertigo of Late Modernity, Sage, London, 2007.
10. Zygmunt BAUMAN, City of Fears, City of Hopes, Goldsmiths College, University of London,
New Cross, London, 2003.
11. Anthony GIDDENS, Modernity and Self-Identity Self and Society in the Late Modern Age, Standford University Press, Standford, 1991.
12. Robert CASTEL, L'insécurité sociale : Qu'est-ce qu'être protégé ?, Seuil et La République des
Idées, Paris, 2003.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 58, 2017

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