Systèmes Pratique - La décentralisation culturelle - 1re - 46

La décentralisation culturelle

entre ces deux intérêts publics - l'intérêt public national et l'intérêt
public local -, elle entraîne inévitablement au moins l'hypothèse que
ces deux intérêts puissent s'opposer, avec, dans ce cas, la question
de savoir quel est l'intérêt qui doit l'emporter27. D'autre part, et cela
est peut-être plus facilement compréhensible, l'intérêt national peut
aussi être, en même temps, un intérêt local, la collectivité locale
trouvant un intérêt direct à une opération qui relève de l'État et
peut, éventuellement, être considérée comme d'intérêt national28.
Cette seconde hypothèse se vérifie particulièrement en matière
culturelle : un monument historique peut être d'intérêt national, il est,
de ce fait même, aussi d'intérêt local, cet intérêt public local étant
alors, à la fois, un intérêt public culturel - la protection du monument
en tant que participant à l'histoire locale, à l'identité locale - et un
intérêt touristique, le monument attirant, par hypothèse (parce qu'il
est présenté comme important du point de vue national) des
touristes. Mais après les travaux de la « commission Rémond » sur la
transférabilité de certains monuments, les collectivités territoriales ne
se sont pas précipitées pour demander le transfert, car l'État n'a
proposé, dans un premier temps, que des monuments d'intérêt
secondaire, alors que les collectivités étaient évidemment intéressées
d'abord par les monuments d'intérêt national. La question n'est
toujours pas vraiment réglée à l'heure actuelle.
Au fond, la vraie question n'est pas là, elle est double : peut-il y
avoir un intérêt public local culturel indépendamment de l'intérêt
national, et la collectivité territoriale peut-elle qualifier elle-même
un bien ou une activité comme étant d'intérêt public local ? Celui-ci
peut-il être du seul fait, c'est-à-dire de la seule volonté, de la
collectivité territoriale ? La réponse traditionnelle était négative.
Une certaine évolution a lieu. Le juge administratif a reconnu qu'il
pouvait exister un « patrimoine d'intérêt local », alors que les textes
ne font aucune référence à une catégorie que serait celui-ci29.
27. Naturellement on est tenté de répondre spontanément à cette question par : l'intérêt
national. Mais, outre que c'est là une réponse marquée par notre système (dans
d'autres pays la réponse serait moins évidente), la conciliation d'une telle présomption
de préséance est de nature à soulever quelques délicats problèmes par rapport au
principe de libre administration.
28. Un exemple classique en est fourni par la décision du Conseil d'État du 1er avril 1977,
Dame Grignard (Rec. p. 177), à propos de la participation financière d'une commune à la
construction d'un bureau de poste.
29. V. en ce sens CE, 27 août 2001, nº 236374, Ville de Rennes ; CAA Nantes, 4 déc. 2007,
nº 07NT00337, Union de la publicité extérieure ; CAA Nantes, 8 avr. 2008, req.
nº 07NT01696, M. et Mme X. V. J.-M. PONTIER, « Le patrimoine d'intérêt local », Rev. Lamy
des collectivités territoriales, avril 2010, nº 56, nº 1621.

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