Les Mélanges - Mélanges en l'honneur de Jérôme Huet - 270

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LES LIMITES DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION DANS LE CODE PÉNAL

négation, la minoration ou la banalisation outrancière16, commise par un des
moyens énoncés à l'article 2317, de l'existence de divers crimes, tels qu'un crime
de génocide ou un crime contre l'humanité, autre que ceux mentionnés au premier alinéa de cet article, ayant donné lieu à une condamnation prononcée par
une juridiction. En insérant des infractions dans la loi du 29 juillet 1881, le législateur en fait des infractions de presse, placées sous les auspices d'un régime favorable au prévenu18. Les incriminations qui, à un titre ou à un autre, viennent
limiter la liberté d'expression hors de la loi du 29 juillet sont soumises au droit
commun, nettement moins libéral - sauf à ce qu'elles cèdent, totalement ou partiellement, à l'attrait d'un autre droit dérogatoire, plus rigoureux que le droit
commun19. Qu'on comprenne bien que ce droit pénal commun ne se cantonne
pas au Code pénal. Il s'épanouit volontiers d'une loi ou d'un code à un autre.
Ainsi la loi du 20 mars 2017 relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse20, peu bienveillante avec la liberté d'expression21, a
pour objet d'étendre un délit sis dans le Code de la santé publique22. Il reste que
l'observation de la tendance à la pénalisation dans le Code pénal présente un
intérêt particulier par rapport à celle des incriminations éparpillées hors du code,
un intérêt qui ne tient pas seulement au fait que, même si le champ pénal hors du
Code pénal s'étend considérablement, c'est bien le code qui, eu égard à l'étendue
qu'il couvre, est à même de livrer la représentation la plus pertinente d'un mouvement général. Plus spécifiquement, la multiplication dans le Code pénal d'incriminations érigées contre la liberté d'expression n'est pas seulement l'étalon
d'une propension de plus en plus nette du législateur contemporain à restreindre
cette liberté pour diverses considérations indexées aux valeurs diverses qu'il veut
ainsi protéger ; elle se révèle également un excellent indicateur des rapports mouvants voire des tensions entre le Code pénal et la loi du 29 juillet 1881.
5. Sous l'angle de ces rapports, les contraventions de diffamation, d'injure ou
de provocation non publiques23 se présentent assurément comme l'expression
d'une subtile complémentarité entre le Code pénal et la loi du 29 juillet 1881.
16. « Banalisation outrancière » : termes biens flous, il n'est pas sûr que le principe de
légalité y trouve son compte.
17. Rappelons que cet article énumère les modes de publicité.
18. Supra n° 1.
19. À ce stade de la réflexion, et donc sous réserve des nuances qui s'imposeront plus loin
(v. infra n° 15), il est fait référence au droit commun pour évoquer le fait qu'une infraction,
placée dans le Code pénal, échappe au régime libéral des infractions de presse, régime
dérogatoire au droit commun. Sur les diverses acceptions du droit commun, spécialement en
droit pénal, v. Raschel E., « Que reste-t-il du droit commun en matière pénale ? »,
Rev. pénit. 2016, p. 563 et s.
20. L. n° 2017-347 du 20 mars 2017 relative à l'extension du délit d'entrave à
l'interruption volontaire de grossesse.
21. A telle enseigne que c'est sous deux réserves d'interprétation que cette loi a été déclarée
conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, plus soucieux de ménager la liberté
d'expression que ne l'avait été le législateur : Cons. const., 16 mars 2017, n° 2017-747 DC.
22. CSP, art. L. 2223-2.
23. C. pén., art. R. 621-1, R. 621-2, R. 624-3 à R. 624-6 et R. 625-7.
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