Les Mélanges - Mélanges en l'honneur de Jérôme Huet - 303

PHILIPPE LE TOURNEAU ET MATTHIEU POUMARÈDE

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prévue au contrat. Mais, par l'exécution par équivalent, le créancier pourra obtenir un substitut à l'exécution, ainsi qu'en disposait l'ancien article 1142 du Code
civil lorsqu'il prévoyait, qu'à défaut d'exécution forcée en nature, l'obligation se
« résout » en dommages-intérêts, sans qu'il soit besoin de recourir pour cela à la
fonction réparatrice de la responsabilité civile, qui ici est hors de cause24.
Sans doute, cela a pu être contesté avec habileté au motif qu'il n'y aurait dans
l'expression d'« exécution par équivalent » qu'une contradiction, dès lors que
l'équivalent « n'assure aucune exécution », mais tout différemment une réparation25. L'exécution ne pourrait donc qu'être en nature ou elle n'est pas. Or, s'il est
constant que les dommages-intérêts contractuels ne sont pas l'objet d'une obligation née de l'inexécution du contrat, ils seraient, selon certains, l'objet d'une
obligation contractuelle de réparation à la charge du débiteur26. Cette obligation
existerait ab initio ; dès la conclusion du contrat. Ainsi, l'action en dommagesintérêts conduirait simplement à exécuter une obligation de réparer les conséquences de l'inexécution, à laquelle tout contractant est tenu en cela seul qu'il
conclut un contrat. Selon cette thèse, l'obligation de réparer ne serait donc pas,
cette fois-ci, une obligation nouvelle mais une obligation supplémentaire, s'ajoutant aux autres obligations du débiteur et dont l'exécution pourrait être sollicitée
en cas d'inexécution de l'une de ses obligations. Comment ne pas voir, ici, l'artifice à considérer que tout contractant serait tenu, par le seul fait qu'il conclut un
contrat, d'une obligation contractuelle de réparer les conséquences dommageables
de l'inexécution de ses obligations, qui ne participerait toutefois pas d'une responsabilité ? Le débiteur d'une obligation ne s'engage pas, au surplus, à réparer
un dommage, il s'engage simplement à exécuter cette obligation ! Si l'on veut
bien admettre que l'exécution par équivalent n'est pas parfaite, en ce sens qu'elle
ne confère pas au créancier l'avantage exactement attendu qui lui avait été promis
(comp. C. civ., art. 1222), elle constitue néanmoins une exécution et non une
réparation : pourquoi avoir recours à une obligation de réparer dont rien n'atteste
l'existence, alors que le débiteur est tenu d'une obligation d'exécuter ? Simplement, la satisfaction du créancier sera obtenue en argent27, comme, d'ailleurs, est
procurée en argent, le plus souvent, la réparation des dommages injustement
causés ; mais c'est parce que l'argent est bon à tout : exécuter le contrat comme
réparer un dommage, ou même restituer un enrichissement injuste. « Toute obligation, quelle que soit sa cause, doit être liquidée en vue de l'exécution, lorsque
celle-ci ne se fait pas in specie »28. L'article 1222, alinéa 2, du Code civil ne dit
24. V. Cass. 1re civ., 9 déc. 1986, n° 85-15160, Bull. civ. I, n° 291.
25. Zenati-Castaing F. et Revet T., Cours de droit civil. Contrats. Théorie générale -
Quasi-contrats, 2014, PUF, n° 173.
26. Zenati-Castaing F. et Revet T., préc.
27. Comp. : Mazeaud D., « L'exécution forcée en nature dans la réforme du droit des
contrats », D. 2016, p. 2477 et s., pour lequel l'« exécution dite "par équivalent", (...) n'est
susceptible d'apporter au créancier qu'une satisfaction assez théorique et illusoire quand elle
prend la forme de dommages-intérêts ».
28. Rémy P., « La "responsabilité contractuelle" : histoire d'un faux concept », RTD civ. 1997,
p. 323 et s., n° 3.
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