Les Mélanges - Mélanges en l'honneur de Jérôme Huet - 441

BERTRAND WARUSFEL

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lors, les réformes induites par le droit de l'Union en matière numérique ont indifféremment déployé leurs effets dans les différentes catégories du droit français.
L'un des meilleurs exemples en a été la manière dont notre droit français a transposé les dispositions européennes en matière de signature électronique. Sur la
base de la directive du 13 décembre 1999, la loi du 13 mars 2000 a uniquement
modifié les dispositions du Code civil relatives à la preuve littérale et à la signature, y introduisant la notion de signature électronique. Mais cette transposition
de la directive n'a eu d'effet juridique ni en procédure pénale ni en droit public (et
notamment pas s'agissant des actes administratifs et des échanges avec les usagers). En ce qui concerne la procédure pénale, c'est finalement le décret du 18 juin
201012 qui a permis l'usage au pénal de la signature électronique et qui a eu l'intelligence de renvoyer aux dispositions du Code civil et à leur texte d'application,
ce qui assurait une certaine cohésion entre les deux branches du droit privé (bien
que cette cohérence ne soit pas complète, puisque le Code de procédure pénale a
reconnu en parallèle la soit-disante « signature numérique », qui n'est que le scan
de la signature manuscrite13).
Mais la réception de la signature électronique en droit public fut plus complexe.
Il fallu qu'une ordonnance du 8 décembre 2005 concernant les relations entre les
administrations et les administrés comporte un article 8 qui disposait que « les actes
des autorités administratives peuvent faire l'objet d'une signature électronique.
Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux
règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9, qui permette
l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec l'acte auquel elle
s'attache et assure l'intégrité de cet acte ». Bien que l'on puisse aisément reconnaître
dans cette rédaction la volontaire proximité avec les termes de la directive de 1999 et
les nouvelles dispositions civiles, il n'en demeurait pas moins que la signature électronique utilisée par les personnes publiques n'était encore qu'une proche « cousine » de la signature électronique reconnue par le Code civil.
Cette fausse (et imparfaite) symétrie ne résista finalement pas à l'adoption du
règlement eIDAS du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique. Ce nouveau
texte ne limite plus ses effets à l'usage privé des signatures et des services de confiance.
Bien au contraire, une partie importante de ses dispositions concerne l'identification numérique des usagers pour accéder aux services en ligne des organismes
publics (art. 6) et ce règlement prévoit spécifiquement à son article 27 la possibilité
d'usage de la signature électronique dans les services publics. Là où la logique libérale qui dominait en 1999 avait seulement cherché à créer un marché des services
de signature en dehors de tout lien avec la puissance publique14, le règlement de
2014 impose une approche réellement transversale où les services numériques
servent aussi bien à sécuriser les relations privées que celles entre les usagers et les
12. Décret n° 2010-671 du 18 juin 2010 relatif à la signature électronique et numérique
en matière pénale et modifiant certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale,
JORF du 20 juin 2010, p. 11183.
13. Voir l'article R. 249-11 du CPP, créé par le décret du 18 juin 2010 précité.
14. Même si l'article 3.7 de la directive du 13 décembre 1999 envisageait la possibilité
d'un usage de la signature électronique « dans le secteur public », sans plus de précision.

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