Hors collection - Droit(s) et Street Art - 125

LINE TOUZEAU-MOUFLARD

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extérieures27. Enfin et surtout, l'architecte peut revendiquer un droit au
respect de l'œuvre, ou droit à l'intégrité. Néanmoins, la teneur de ce droit
n'est pas ordinaire pour les œuvres d'architecture et sa défense par l'auteur
n'est pas aisée : faut-il y voir une faille amenuisant la protection de l'architecte face à l'action du graffeur ?

A. L'atteinte facilitée à l'œuvre de l'architecte ?
Le droit au respect de l'œuvre implique une interdiction de principe,
celle de porter atteinte à l'œuvre 28, sauf à ce que l'auteur l'accepte 29.
L'atteinte est caractérisée par les modifications directes30, adjonctions ou
suppressions, mais aussi par sa destruction31 ; elle est susceptible de viser
tout autant l'œuvre que son esprit32. L'interrogation posée en titre tient
à la spécificité du droit moral de l'architecte : indubitablement, le droit à
l'intégrité de l'œuvre d'architecture est plus fragile que pour la plupart
des œuvres33. La jurisprudence admet en effet aujourd'hui des atteintes
27. Loi n° 2016-925 du 7 juill. 2016, JO du 8 ; l'article 78 crée un nouvel article L. 650-2
dans le Code du patrimoine. Sur l'utilité de l'intervention du législateur, on remarquera que
le Code de la propriété intellectuelle donne déjà ce droit à l'architecte et que le juge en assure
la protection. Par exemple : en omettant de mentionner le nom de l'architecte ayant rénové
un immeuble, un maître d'ouvrage commet une faute : CA Paris, 20 nov. 1996, Bourgeois
c/ Doueb et autres, JCP 1997, II.22937. V. également CE, 6 mai 1988, Goclowski, Rec.,
tables p. 1005 ; RIDA, janv. 1989, obs. Kérever. La jurisprudence a pu aussi rappeler que la
publication des plans ou de photographies de l'immeuble doit préciser les nom et qualité
de l'architecte : CA Paris, 20 oct. 1995, SPPM c/ Chemetoff, RD imm., janv.-mars 1996,
p. 69. Pour être complet, précisons toutefois que l'article L. 650-2 du Code du patrimoine
exige également la mention de la date de construction de l'œuvre.
28. « Le respect dû à l'œuvre en interdit toute altération ou modification, quelle qu'en
soit l'importance » : Cass. 1re civ., 24 févr. 1998, RIDA juill. 1998, p. 213, note A. Kérever ;
D. 1998, p. 471, note A. Françon ; Cass. 1re civ., 5 déc. 2006, FS-D, Barbelivien c/ Sté
Universal Music France, Comm. com. électr. 2007, comm. 18, obs. C. Caron.
29. F. Pollaud-Dulian, « Architecture et droit d'auteur », RD imm., oct.-déc. 1990,
p. 431.
30. V. not. TGI Paris, 25 mars 1993, Hayama c/ Hôtel Nikko, RIDA, 1993, n° 157, p. 35
(modifications à des fins d'aménagement matériel).
31. Le juge reconnaît le droit de s'opposer à la destruction de l'œuvre même inachevée :
CA Versailles, 8 juill. 1981, D. 1982 IR 45, obs. Colombet ; Civ., 16 mars 1983, Dubuffet
c/ Régie Renault, Bull. 101 ; RIDA 1983 n° 117, 80. V. aussi C. Beneke, « La destruction
d'une œuvre malgré l'auteur : une question de tout ou rien située entre le droit moral de
l'auteur et le droit de la propriété corporelle. Approche de droit comparé franco-allemand »,
Comm. com. électr. n° 4, 2008, alerte 50.
32. M. Cornu, « L'espérance d'intangibilité dans la vie des œuvres. Réflexions sur la
longévité de certains biens », RTD civ. 2000, p. 697-734, n° 25-28. V. l'affaire du Théâtre des
Champs-Élysées, TGI Paris, 4 avr. 1990 et CA Paris, 11 juill. 1990, D. 1992, Somm. 17-18,
obs. Colombet.
33. L'œuvre architecturale étant « la seule œuvre de l'esprit à être aussi un lieu de vie » :
C. Caron, « Les limites du droit moral de l'architecte », comm. sur Cass. 1re civ., 17 oct. 2012,
Comm. com. électr. n° 1, 2013, comm. 1.
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