Hors collection - Droit(s) et Street Art - 127

LINE TOUZEAU-MOUFLARD

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de l'immeuble, tenu au respect du droit moral de l'architecte, doit obtenir
son accord s'il souhaite faire réaliser une œuvre de street art - il est également soumis à une obligation d'information43. Ne pourrait-il pas passer
outre son refus ? Les justifications apportées à la limitation du droit moral
de l'architecte s'appuient avant tout et fort logiquement sur le fait que
l'édifice est occupé44, habité45, que « les nécessités pratiques interdisent de
[le] figer pour l'éternité »46. D'autres arguments ont également été avancés
par le juge. L'arrêt Agopyan a retenu l'impératif esthétique et un arrêt
de cour d'appel est allé plus loin encore en reconnaissant la légitimité de
changements liés aux « nécessités d'intérêt général inhérentes au service
public culturel »47. La commande d'une œuvre de street art pourrait s'inscrire dans cette perspective. Cela ne paraît pas souhaitable. Faire reposer
le droit de modification du propriétaire sur des critères esthétiques est
contestable, parce que cela entraîne une remise en cause de la création
en elle-même et pour elle-même, sa dénaturation48. Relevons que le juge,
qui a permis ces atteintes, montre un « souci de compromis », cherchant
à « assurer un équilibre subtil entre les impératifs d'évolution de l'œuvre
et le respect de l'auteur »49. Si tout est une « question de mesure »50, le juge
appréciant la légitimité des atteintes qui ne doivent pas excéder ce qui est
43. Par ex. : CA Limoges, 30 mars 2011, Propr. intell. 2011, n° 40, p. 295, obs. Bruguière ;
RLDI mai 2011 n° 2345.
44. Avec notamment un enjeu de sécurité publique, v. Desbois, note sur l'affaire Scrive, CA
Paris, 10 juill. 1975, RTD com, 1976, p. 361 ; et RIDA, janv. 1977, p. 114, note A. Françon.
V. également l'affaire Roussel Parc Mistral, TA Grenoble, 18 févr. 1976, RIDA, janv. 1977,
p. 117, note A. Françon.
45. C. Caron évoque une « règle de raison » : « Les limites du droit moral de l'architecte », préc.
46. A. Lucas, H.-J. Lucas, A. Lucas-Schloetter, Traité de la propriété littéraire et
artistique, op. cit., n° 496.
47. CA Aix-en-Provence, 7 janv. 2016, n° 13/08411, D. IP/IT 2016, p. 302, obs. P. Mouron :
extension d'un musée archéologique destinée à accueillir de nouveaux éléments de la
collection.
48. V. à propos d'un orgue : CE, 14 juin 1999, Conseil de fabrique de la cathédrale de
Strasbourg, Y. Gounin, « Le droit des collectivités publiques de modifier les œuvres d'art
en leur possession », RFDA 2000, p. 600. V. aussi : CAA Nancy, 2 mai 1996, Consorts
Koenig, AJDA 1996, p. 895 et 950, note J.-P. Piétri ; LPA, 11 juin 1997, n° 70, p. 27-34,
note G. Guiheux ; D. 1999, Jur. p. 81, note B. Edelman ; F. Pollaud-Dulian, « L'esprit de
l'œuvre et le droit moral de l'auteur », RIDA, n° 215, 2008, p. 103.
49. M. Vivant et J.-M. Bruguière, Droit d'auteur et droits voisins, op. cit., n° 577. Les
auteurs relèvent le « souci de compromis du juge », lié notamment au caractère technique de
l'œuvre, à la soumission aux règles d'urbanisme, à la notion d'espace de vie. V. Cass. crim.,
3 juin 1986, D. 1987.301 ; et T. corr Lyon, 16 févr. 2006, Prop. intell., n° 20, p. 360, obs.
M. Vivant ; Cass. 1re civ., 11 juin 2009, Prop. intell., n° 32, p. 265, obs. Lucas ; Cass. 1re civ.,
17 oct. 2012, Prop. intell., n° 46, p. 53, obs. J.-M. Bruguière ; CCE 2013, comm.1, note
Caron ; RTD com. 2012.777, obs. Pollaud ; CA Paris, 16 oct. 2016, Prop. intell., n° 50, p. 70,
obs. J.-M. Bruguière.
50. P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, 2015, PUF, n° 223 (italiques de
l'auteur).
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