Hors collection - Droit(s) et Street Art - 128

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L'ARCHITECTE ET LE GRAFFEUR

strictement nécessaire ni être disproportionnées au but poursuivi51, il ne
faudrait pas que l'atteinte provoquée par le graff, peu importe son étendue52
ou son caractère éventuellement éphémère, empêche la sanction et entame
la protection de l'architecte.

B. La protection affaiblie du droit l'architecte
Paradoxalement, la protection du droit moral de l'architecte devrait
paraître renforcée dans la mesure où il dispose en quelque sorte de deux
moyens d'action. Premièrement, il peut se tourner contre le graffeur,
dont le graff altère l'œuvre d'architecture, ou contre le propriétaire, qui
commande une œuvre de street art. La réparation de l'atteinte suppose que
cette dernière soit caractérisée et que l'architecte démontre un préjudice ;
la démarche pourrait être facilitée en raison du caractère illégal du graff,
a fortiori de l'intention de nuire du graffeur. Deuxièmement, l'architecte
pourrait agir contre le propriétaire en vertu d'une obligation de conservation du bien liée au droit au respect de l'œuvre. Un devoir de conservation
de l'œuvre reposerait sur le propriétaire corporel de l'œuvre ; s'il se limite
« aux travaux d'entretien normaux (...) durant un temps raisonnable »53,
il semble que l'on puisse exiger que le propriétaire s'attache à protéger
l'œuvre de toutes dégradations54. À ce titre, les œuvres d'architecture
appartenant à des personnes publiques bénéficieraient même d'un avantage55. En effet, il a été avancé que « la collectivité n'est, en quelque sorte,
que la gardienne de l'œuvre dans l'intérêt général »56, ce qui permettrait
d'exiger un durcissement de l'obligation de conservation.
Toutefois et en tout état de cause, la protection du droit de l'architecte
est amoindrie par les résultats de la mise en œuvre d'une éventuelle action
51. Cass. 1re civ., 11 juin 2009, Sté Brit Air c/ Ph. Madec et a., CCE, sept. 2009, comm. n° 75,
note C. Caron ; PI, juill. 2009, p. 265, obs. A. Lucas. V. aussi : M. Cornu, « Droits de l'architecte et aménagement de l'espace public », préc.
52. Cass. 1re civ., 24 févr. 1998, préc.
53. A. Bensamoun, « Les spécificités de l'art : exceptions et limitations ou les paradoxes
de l'art », in F. Labarthe et A. Bensamoun (dir.), L'art en mouvement. Regards de droit
privé, op. cit., p. 181.
54. Dans une décision ancienne, une commune a été condamnée pour le défaut d'entretien
qui a entraîné le délabrement d'une fontaine : Cons. préf. Montpellier, 9 déc. 1936, Gaz.
Pal., 1937, 1, p. 347.
55. Noter que désormais les juridictions de l'ordre judiciaire sont compétentes pour
connaître du litige opposant un auteur et une personne morale de droit public : T. confl.,
7 juill. 2014, M. c/ Maison départementale des personnes handicapées de Meurthe-et-Moselle,
CCE n° 10, 2014, comm. 76, C. Caron. V. plus généralement sur les bâtiments publics :
C. Malwe, « Le droit moral de l'architecte et les bâtiments publics », RDI, 2011, p. 424.
56. Commissaire du Gouvernement Josse à propos d'une œuvre d'art acquise par une
collectivité publique : CE, 3 avr. 1936, Sudre, DP, 1936, III, p. 57, note Waline.
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