Hors collection - Droit(s) et Street Art - 129

LINE TOUZEAU-MOUFLARD

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contre le graffeur ou le propriétaire. Le devoir de conservation n'entraîne
pas automatiquement une obligation de remise en état57. À supposer que
le préjudice soit démontré, on constate que le juge penche bien davantage
pour l'octroi de dommages et intérêts58 plutôt que pour une remise en état
ou une réparation en nature, que le respect de l'intégrité de l'œuvre devrait
pourtant impliquer. L'analyse de quelques décisions relatives à des œuvres
d'architecture modifiées par leur propriétaire laisserait même entrevoir
l'hésitation de certains juges à prononcer la remise en l'état, voire, pour
écarter la difficulté, une possible propension à « nier l'atteinte au droit
moral elle-même »59. En outre, le propriétaire corporel a potentiellement les
mains en partie liées dans son action à l'égard du graffeur, notamment si le
graff se voit qualifié d'œuvre60. Il est vrai que dans une situation complexe
où l'œuvre de street art mérite aussi une protection, la solution du versement de dommages et intérêts plutôt que celle de la remise en l'état ménage
les différents intérêts en présence. Mais elle aboutit malgré tout à une sorte
de négation de l'œuvre d'architecture, à un effacement, partiel mais réel, du
droit au respect dont doit bénéficier l'architecte. Elle porte aussi en germe
une évolution du droit moral vers un droit à rémunération61.
En somme, les caractéristiques de l'œuvre d'architecture, dont l'intangibilité devient relative62, fragilisent le droit moral de l'architecte. Si en dépit
de cette faiblesse l'action du graffeur reste une atteinte portée à l'œuvre
d'architecture, sa réparation prendra le plus souvent un tour financier.

II - PROFIT(S) : LE GRAFFEUR
ET LES DROITS PATRIMONIAUX DE L'ARCHITECTE
Le Code de la propriété intellectuelle confère un droit exclusif d'exploitation de son œuvre à l'architecte63. Il dispose à ce titre d'un droit de
57. M. Cornu, « L'espérance d'intangibilité dans la vie des œuvres. Réflexions sur la
longévité de certains biens », préc. V. aussi TA Paris, 1er mars 2007, Vaudoyer, JCP Adm.,
2007, p. 47, note C. Caron.
58. Id. V. TGI Nanterre, 27 avr. 1994, Gaz. Pal., 4-5 oct. 1995, p. 29.
59. CA Paris, 20 nov. 1996, JCP G, II 22937, 1997, note F. Pollaud-Dulian.
60. G. Goffaux-Callebaut, « À la croisée des droits », préc.
61. M. Cornu évoque un « glissement vers le système de la responsabilité sans faute »
des personnes publiques : M. Cornu, « Droits de l'architecte et aménagement de l'espace
public », préc.
62. M. Cornu, « L'espérance d'intangibilité dans la vie des œuvres. Réflexions sur la
longévité de certains biens », préc.
63. CPI, art. L. 122-1. V. sur les œuvres d'architecture : F. Pollaud-Dulian, « Architecture
et droit d'auteur », préc.
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