Hors collection - Droit(s) et Street Art - 172

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LE COLLECTIONNEUR

qui se définit, plus encore que toute autre forme d'art, par son caractère
engagé, politique et non conformiste22.
5. L'art urbain (comprenant donc le graffiti et le street art) a pour spécificité d'être né dans le contexte de la rue, dans l'espace public donc à la vue
et à la portée de tous. Pour le grand public, la posture du collectionneur
peut apparaître contradictoire et laisse à penser qu'il collecte des œuvres
dans la rue pour ensuite décorer les murs de son salon. En réalité, collectionner l'art arraché dans la rue est inconcevable pour les collectionneurs
puisque cela irait à l'encontre de l'essence du mouvement du graffiti23.
Aux yeux des collectionneurs, des connaisseurs et des professionnels, les
œuvres réalisées dans la rue sont en principe considérées comme n'étant pas
commercialisables, sauf circonstances particulières lorsqu'il s'agit d'œuvres
de commande ou encore que l'artiste et le propriétaire du support aient
donné leur accord préalablement à la mise en vente. Dans la grande majorité des cas, les œuvres présentées en galerie d'art et dans les ventes aux
enchères publiques sont des œuvres réalisées en atelier. C'est d'ailleurs la
vente des œuvres d'atelier réalisées sur des supports traditionnels (toiles,
photographies, bronzes, marbres) qui permet aux artistes graffeurs ou
artistes plasticiens d'art urbain de continuer d'œuvrer dans l'espace de
la rue. L'existence et la persistance des œuvres présentes dans la rue sont
menacées à cause des travaux, des intempéries ainsi que des vols et des
destructions. La photographie des œuvres in situ et les carnets de croquis
des artistes permettent de conserver la mémoire de ce mouvement : « Le
graffiti a toujours eu besoin de la photographie pour survivre24 ». À côté
du phénomène grandissant de pillages des œuvres prises à la rue, il arrive
aussi que des amateurs « sauvent » de la destruction des œuvres présentes
dans la rue lorsque leur support éphémère avait vocation à être détruit25.
6. La réponse à la problématique, qui est de savoir si une collection
d'œuvres issues du mouvement graffiti ou du street art fait apparaître des
spécificités juridiques par rapport à une collection d'art contemporain,
s'articulera en deux temps. Dans une première partie, il sera démontré que
22. « Le graffiti n'est pas un style, c'est un acte », E. Seno (dir.), Trespass. Une histoire de
l'art urbain illicite, 2010, Taschen, p. 10.
23. Propos recueillis d'un collectionneur : « L'art qui est dans la rue appartient à la rue,
et il y reste ».
24. Lek et Sowat, Mausolée, résidence artistique sauvage, 2012, Éditions alternatives,
p. 100.
25. « Le graffiti tel que nous l'avons connu n'existe plus, parti en fumée (...). Des chefsd'œuvre de cet âge d'or, il ne reste rien (...). Personne n'a cherché à conserver quoi que ce
soit, à sauver de la disparition des tags, les fresques, les panels d'une génération entière d'autodidactes. À force de lui tourner le dos, c'est à des fonctionnaires de police que l'histoire
de l'art a finalement confié le soin d'étudier le mouvement, d'en conserver les archives »,
ibid., p. 248.

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