Hors collection - Droit(s) et Street Art - 28

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LA JURIDICISATION DU STREET ART

aux enchères ou en galeries, foires destinées à la vente87...) ; comme l'écrivait
René Magritte, « (...) et voilà les images où tu chantais ta jeunesse devenues
maintenant les tristes objets d'une vaste spéculation »88. Des questions ne
manquent pas d'être posées lorsque l'on connaît les prix de cession de
certaines œuvres89.
Pour certains, les peintures doivent rester là où on les a faites, à la vue de
tous et non faire leur entrée dans un marché de l'art. Mais pour d'autres, au
contraire, il n'y a aucune raison pour que cette forme artistique ne s'insère
pas, comme toutes les autres, dans les circuits d'échanges à titre onéreux.
16. Il s'agit encore d'un art équivoque en ce que la présence d'adrénaline
dans sa réalisation semble indispensable à certains, alors que d'autres ne
l'estiment pas consubstantielle.
Pour certains, il n'y a pas de street art sans adrénaline90. Le risque serait
nécessaire, car justifiant le geste artistique rapide (même si le geste rapide
peut-être le fruit d'une longue maturation). Le geste est aussi, en effet,
une expression artistique (parfois conservée grâce à des prises de vues).
On serait en présence d'« une esquisse qui cherche sa forme réalisée dans
l'acte même de sa réalisation »91 ? La peur, la précipitation dans la réalisation finale seraient indispensables à la caractérisation du street art. Il
y aurait transcendance des montées d'adrénaline (« l'adrénaline affûte la
vision »92), transposées dans des réalisations artistiques. Le fait que les peintures murales aient été, un peu partout dans le monde, réprimées, souvent
assez sévèrement, a créé une sorte de jeu et de surenchère en vue de narguer
les autorités. Il y a une autre forme de risque : celui qui est pris pour intervenir dans des endroits dangereux (passage de trains, risque de chute dans le
vide, réalisation en zone radioactive interdite93...). La présence d'un risque
juridique et/ou physique94 serait donc indispensable.
Pour d'autres, on pourrait parfaitement avoir le génie de la spontanéité dans le travail protégé ou il pourrait y avoir toujours street art sans
adrénaline. Certains artistes ne travaillent plus qu'avec l'autorisation des
87. Par ex., Urban at fair, 22-24 avr. 2016, au Carreau du Temple, à Paris.
88. René Magritte, à propos de James Ensor, in Les mots et les images. Choix d'écrits,
2012, Bruxelles, Espace Nord, p. 58.
89. Par ex., Captain Spray de Speedy Graphito a été vendu pour 37 700 €, Next to the
high-ways signs de JonOne a atteint l'enchère de 47 700 €, le 14 février 2016, chez Artcurial
à Paris.
90. V. J. Catz, op. cit., p. 27.
91. J. Becker, « Humanoïdes. Expérimentations croisées entre arts et sciences », 2015,
PUPO, p. 168.
92. Bansky 2010, cité par C. Mc Cormick et a, op. cit., p. 6.
93. Konstantin Danilov autour de Tchernobyl ; v. C. Mc Cormick et a., op. cit., p. 109.
94. Qui peut aller jusqu'à la mort, dans un tunnel : Cass. crim., 22 juin 1999, n° 98-84041.
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