Hors collection - Droit(s) et Street Art - 30

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LA JURIDICISATION DU STREET ART

d'autres restant (symboliquement) présentes en sous-couche et, ensuite
et surtout, puisque restent les clichés photographiques106. Ce n'est pas un
hasard si le néologisme de « photograffeur » a été inventé. De plus, on
protège aujourd'hui des œuvres murales (vernis...), on les reproduit sur
des supports protégeables (toiles...), on les insère dans des univers virtuels,
on les exécute directement sur des supports pérennes et, pour beaucoup,
cela ne dénature en rien le mouvement artistique concerné.
Au demeurant, on a intelligemment fait remarquer que la durée moyenne
de présentation au public d'une œuvre de street art en plein air était à peu
près équivalente à celle d'une exposition spécifique d'œuvres traditionnelles
dans un musée ou une galerie107.
18. Le caractère binaire du street art nous semble se manifester, enfin et
surtout, par ses deux principaux modes d'expression : tags ou graffs d'une
part, fresques d'autre part. La question se pose de savoir s'il y a un ou
deux mouvements, voire si un seul des deux modes d'expression mérite
protection. Deux approches s'affrontent et on perçoit immédiatement que
les qualifications juridiques risquent de dépendre du choix que l'on fera
entre l'une et l'autre.
Pour la première, le street art forme un tout, depuis les graffiti et les tags
jusqu'aux fresques réalistes monumentales en passant par les slogans au
pochoir et le lettrisme élaboré108. Il arrive, en effet, que des artistes passent
du graff à l'œuvre peinte109, ou font concomitamment des tags, des graffs
et des peintures très abouties110, voire « toyent »111 eux-mêmes et dès l'origine leur propre travail. Il y aurait, dès lors, une perméabilité des styles,
le lettrisme servant de charnière. Il est même fréquent que des artistes
urbains consacrés et accueillis dans les grandes galeries, par nostalgie, par
volonté de retour aux sources et à l'authenticité, reprennent le chemin
de la rue, y compris pour se remettre à taguer. Pour certains, le graffito
pourrait se rapprocher de l'action painting, et, on l'a vu, de la réalisation
artistique passant par la recherche du seul geste spontané. Au demeurant,
106. La photographie constitue une forme de trahison ou, diront certains, d'hypocrisie :
l'artiste sait qu'il va bien avoir ainsi une chance de pérenniser son travail.
107. Y. Tessier, Paris. Art libre dans la ville, 1991, Herscher, p. 7 et s.
108. On peut évoquer les définitions des tags et des graffiti données par Charlotte Gré :
signature d'une part et art brut devenu art urbain d'autre part : C. Gré, op. cit., p. 10 et 11.
109. C. Guémy (dit « C215 »), op. cit., p. 296, raconte qu'il a commencé sa carrière par la
réalisation de tags.
110. V., par exemple, les travaux de Myré et Wean, Astro & Kanos et 93 MC, aux Puces
de Saint Ouen, reproduits in C. Naimi, collab. L. Gallet, op. cit., p. 64-67 et p. 192-193.
111. De « TOYS », « Through over your shit », dit-on ! De plus, le tag peut ne pas être
une façon de marquer son territoire, mais une manière de montrer sa désapprobation à
l'encontre d'une œuvre figurative.
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