Hors collection - Droit(s) et Street Art - 83

NOÉ WAGENER

75

I - « FACE AU STREET ART » :
LA PROTECTION SPÉCIFIQUE
DE LA PROPRIÉTÉ PUBLIQUE
Il est aisé d'observer que le droit pénal (A) comme la propriété littéraire et artistique (B) recèlent des mesures qui différencient les œuvres de
street art exécutées sur propriété publique de celles effectuées sur propriété
privée. Une telle discrimination, ponctuelle mais incontestable, a pour effet
de conférer une protection augmentée à la propriété publique lorsqu'elle
se trouve confrontée à des graffitis, tags et autres inscriptions.

A. La protection de la propriété publique par le droit pénal
C'est le cas, d'abord, du droit pénal, à chaque fois que les œuvres de street
art sont exécutées sans l'autorisation de la personne publique propriétaire3.
Ainsi, on note d'emblée que dans l'assiette de l'infraction propre au graffiti
telle que prévue à l'article 322-1 alinéa 2 du Code pénal - qui concerne, on
le sait, les « inscriptions », « signes » et « dessins » réalisés sans autorisation
préalable du propriétaire et dont il n'a résulté qu'un dommage léger - se
trouvent visés, outre les façades et les véhicules, les voies publiques et le
mobilier urbain. Il s'ensuit que les biens concernés par cette protection
pénale spéciale présentent certes la caractéristique essentielle d'être très
largement accessibles depuis l'espace public, et ce indépendamment de leur
propriété, mais que deux des catégories de biens expressément visées, les
« voies publiques » et le « mobilier urbain », sont dans leur immense majorité la propriété de personnes publiques. Au-delà de ce détail, il est plus
important d'observer, deuxièmement, que la propriété publique contribue à
la reconnaissance de la circonstance aggravante de l'infraction de « dégradation » et « détérioration » - légère ou non4 - dans la mesure où l'article 322-3,
8° du Code pénal vise expressément, au titre des circonstances aggravantes
de l'infraction de l'article 322-1, le bien qui, première condition, « est destiné
à l'utilité ou à la décoration publique » et qui, seconde condition, « appartient à une personne publique ou chargée d'une mission de service public ».
3. Pour une présentation synthétique des outils de droit pénal permettant de lutter contre
les tags et graffitis sur les propriétés de collectivités territoriales, v. la réponse du ministre
de l'Intérieur à la question écrite n° 7695 du député Bernard Brochant : JO, 20 mars 2012,
p. 2419.
4. On sait que la Cour de cassation n'a pas hésité à dénier la qualité de détérioration
légère pour des peintures à la bombe non indélébiles, considérant que ces peintures avaient
« atteint et détérioré la substance même du revêtement peint du wagon, ainsi que son support
métallique » (Cass. crim., 1er juin 1994, n° 93-84966).
Hors collection - Droit(s) et Street Art

Table des matières de la publication Hors collection - Droit(s) et Street Art
