Hors collection - Droit(s) et Street Art - 92

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LE STREET ART ET LA PROPRIÉTÉ PUBLIQUE

son intervention sur une propriété publique, tout simplement parce que
l'intensité de l'exercice de sa liberté de création n'est pas la même selon les
hypothèses. Dans un cas contrairement à l'autre, chacun en conviendra, la
liberté de création de l'artiste est freinée par les prérogatives que la personne
publique tire du droit de propriété. Or, c'est précisément ce point que nous
aimerions à présent discuter.
L'argument de la liberté de création, on l'a dit, était avancé par le maire
de Billère pour défendre la « fresque des expulsés », avant d'être rejeté
d'un revers de main et sans grande considération par le juge administratif.
Il a néanmoins ressurgi avec force à Grenoble au début de l'été 2016, à
l'occasion du Grenoble Street Art Fest. L'affaire, qui connut un retentissement médiatique important, concerne la réalisation par un artiste nommé
Goin d'une œuvre réalisée au pochoir et intitulée « L'État matraquant
la liberté ». Cette œuvre aujourd'hui disparue représente des policiers
frappant à la matraque une Marianne, qui tente tant bien que mal de se
protéger en prenant appui sur le drapeau tricolore ainsi que sur une pile
d'ouvrages (parmi lesquels 1984 et Brave New World). Sur le bouclier des
policiers figure l'inscription « 49.3 », en référence à la procédure constitutionnelle grâce à laquelle venait d'être adoptée le projet de loi relatif au
travail (« loi El Khomri »). L'œuvre déclenche immédiatement une vive
polémique, dans un contexte social tendu quant au travail des policiers,
tantôt glorifiés pour leur action anti-terroriste, tantôt vilipendés pour
des faits de violences graves. Un étonnant transfert de ce débat national
s'accomplit alors sur la peinture de Goin : quand certains s'offusquent
d'une atteinte déplacée à la dignité de la fonction policière, d'autres affirment n'y voir que le recours à la technique multiséculaire de l'allégorie
artistique, comme semble d'ailleurs le confirmer le titre de l'œuvre. La
polémique, en fait, se trouve véritablement exacerbée par le rôle joué par
la ville et l'intercommunalité dans l'affaire. Non seulement le festival en
question reçoit des subventions municipales ; mais en outre, il s'avère que
l'œuvre de Goin se trouve sur un édifice appartenant à l'agglomération.
Est donc soulevé, une fois encore, le problème de savoir ce qui peut être
représenté sur un bâtiment public, que ce soit avec l'autorisation préalable
du propriétaire (affaire de Billère) ou grâce à son approbation a posteriori,
même seulement implicitement manifestée par l'absence d'effacement de
l'œuvre (affaire de Grenoble).
Or, à Grenoble, la défense déployée par le maire comme l'organisateur
du festival est intéressante sur le plan juridique. En effet, sollicités par
les médias, tous deux s'abritent derrière la liberté de création de l'artiste,
affirmant avec force que celui-ci est libre de créer sans contrôle de qui que
ce soit (« si le ministre de l'Intérieur a un avis sur la question, il faut qu'il
publie une liste d'œuvres autorisées et dise où s'arrête, de son point de vue,
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