Contextes - Regards croisés sur la soft law en droit interne, européen et international - 71

DAVID DEROUSSIN

Autre exemple : les contrats-types, notamment en matière d'assurance
où les regroupements de professionnels et d'assurés favorisent une
telle pratique. Après un projet rédigé par Ed. Thaller et A. Droz et un
contre-projet, moins favorable aux assurés, proposé par les compagnies
d'assurances33, puis la mise en place d'une commission mixte assurant la
représentation tant des professionnels que des assurés éclot ainsi la police
de 1913, appliquée par nombre de compagnies et dont certaines clauses
deviendront du droit dur en passant dans la loi de 1930 grâce aux efforts
de H. Capitant34.
La deuxième catégorie regroupe les actes juridiques qui renferment des
énoncés attribuant à leur destinataire une marge de manœuvre35. Même si
la société des Princes qui a précédé la Société des Nations a pu être définie
comme une société anarchique36, on peut toutefois penser aux préambules
des traités ou aux traités qui ne sont pas encore entrés en vigueur ou qui
ne le sont plus. Pour Grotius notamment, la clause de vivre désormais en
bons amis soumet les parties à davantage que ce qu'impliquent ordinairement les lois de l'amitié37. Plus généralement, la doctrine ancienne pense les
relations diplomatiques sur un mode juridique38. Si le droit des gens n'a pas
ses « lois » - il manque d'une « puissance souveraine » propre à contenir les
nations dans l'observation de ses règles, i. e. d'une « sanction »39 -, il a « ses
principes et ses règles » et conserve sa qualité de droit40.
Cette catégorie renferme encore le soft law intralégislatif (legal
soft law), i.e. des dispositions qui ne paraissent pas créer d'obligations (ou
seulement des obligations peu contraignantes) alors qu'elles sont inscrites
dans un instrumentum contraignant (une loi). Pour le droit romain, un
premier élément de réponse est fourni par l'Enchiridion de Pomponius,
33. Cf. « Les nouvelles conditions générales de la police d'assurance contre l'incendie »,
Journal des assurances terrestres, 1913, p. 5.
34. Cf. Deroussin D., « H. Capitant et le droit des assurances », Revue d'histoire des
Facultés de droit 2017 (à paraître).
35. Cf. Duplessis I., « Le vertige et la soft law : réactions doctrinales en droit international », Revue québécoise de droit international 2007, p. 249.
36. Cf. Bull H., The Anarchical Society..., Londres, 1977, cité par Dhondt F., « La
société des princes et le droit des gens », Laurent-Bonne N. et Prévost X., Penser l'ordre
juridique médiéval et moderne, Paris, 2016, p. 85.
37. Grotius H., De iure belli ac pacis, iii, xx, xxxv et iii, xx, xl. de Réal G., dans sa
Science du gouvernement, Paris, 1764, T. v, p. 562 soumet tous les éléments d'un traité,
y compris le préambule, au même principe de loyauté.
38. Dhondt F., art. préc., p. 105.
39. De Réal G., op. cit., p. 13.
40. Cette distinction droit/loi est finalement plus moderne que la conception que développera plus tard l'Américain H. Wheaton (Éléments de droit international, 1848, vol. 1,
p. vi et p. 22 et 24), pour qui le droit des gens n'est pas un véritable droit parce qu'il n'a ni
législateur ni juge.

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