Systèmes Cours - Les Constitutions de la France - Tome 3 - 1re - 136

Les Constitutions de la France

ou soixante sénateurs sur les lois avant leur promulgation, provoqué par
les gains juridiques attendus (échec ou encadrement du programme
législatif de la majorité gouvernementale) et les retombées
nécessairement positives (défense des droits fondamentaux), entraîne
trois phénomènes qui déjouent les craintes des détracteurs de la
réforme constitutionnelle et dépassent les calculs de ses promoteurs :
accroissement considérable du nombre et de la densité des normes
constitutionnelles, lesquelles réduisent d'autant la marge de manœuvre
de la majorité ; juridictionnalisation de la procédure, laquelle légitime
l'institution et sa jurisprudence ; participation directe du juge aux grands
problèmes de société, laquelle conduit le juge - qui se garde bien de se
reconnaître un pouvoir général d'appréciation et de décision de même
nature que celui du Parlement - par le jeu de l'interprétation, à orienter
les grands principes directeurs de l'activité législative. Ces interprétations
sont d'autant plus redoutables qu'elles « sauvent » de l'invalidation les
dispositions législatives déférées, privant le pouvoir constituant de
bonnes raisons de faire prévaloir son interprétation du texte
constitutionnel. Aussi s'installent une culture de constitutionnalité et une
intériorisation de la jurisprudence constitutionnelle par les autorités
politiques, administratives et juridictionnelles (art. 62 C). Le succès
rencontré par la question prioritaire de constitutionnalité rendue possible
par la seconde réforme constitutionnelle ne fait qu'amplifier ces effets
(art. 61-1, Loi organique du 10 décembre 2009).
Le spectre du « gouvernement des juges » n'en est pas pour autant
ravivé, le Conseil constitutionnel n'ayant jamais revendiqué le dernier
mot tout en faisant en sorte d'imposer, par l'usage à peine modéré des
réserves d'interprétation, sa lecture de la Constitution. Sa liberté pour
dégager le sens des normes constitutionnelles rencontre toutefois
quelques limites. D'une part, il arrive au pouvoir constituant de
désavouer le Conseil constitutionnel en amendant la Constitution (ex :
le principe de parité). D'autre part, le juge constitutionnel lui-même
refuse de s'ériger en pouvoir constituant. Pour le dire autrement,
l'interprétation du juge constitutionnel s'impose aux pouvoirs publics,
autorités administratives et juridictionnelles (art. 62 C) dans la seule
limite de l'intervention du pouvoir de révision constitutionnelle. Ces
validations constituantes poursuivent des objectifs précis. Les unes
manifestent un désaccord immédiat et radical entre la majorité
gouvernementale et le juge. Ces validations-sanction, exceptionnelles,
modifient le texte constitutionnel dans la foulée d'une décision très
contestée du Conseil. Si les circonstances politiques ne sont pas
réunies et si l'enjeu politique immédiat est faible, elles sont différées.
La détermination est intacte dans les deux cas : faire « sauter » la

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