Systèmes Cours - Les Constitutions de la France - Tome 3 - 1re - 55

Le mouvement réformiste des années trente

juridique des rapports politiques et ses effets sur le régime des libertés se fracassera sur les réalités
politiques. Mirkine-Guetzévitch entame alors, à partir de 1933, une démarche intellectuelle délaissant le
normativisme pour la science politique. Il y puise sa conception du régime parlementaire dont il démontre
avec pertinence que son bon ou mauvais fonctionnement dépend du système partisan et de l'existence ou
non d'une majorité parlementaire dont est issu le gouvernement. Lire S. Pinon, « La pensée constitutionnelle
de Boris Mirkine-Guetzévitch », in Les juristes face au Politique, tome II, éd. Kimé, 2005, p. 61.

L'analyse du régime anglais et les expériences constitutionnelles
européennes ont puissamment contribué à cette évolution doctrinale
qui inspirera considérablement les rédacteurs de la Constitution de
1958. Plusieurs remèdes sont avancés, tous ne s'accordant pas sur
les solutions ni sur leur importance. Les principales suggestions
prônent le renforcement du pouvoir exécutif, la rationalisation des
procédures parlementaires et l'instauration d'un contrôle de
constitutionnalité de la loi promulguée.

A. L'exécutif renforcé
Le dualisme exécutif est repensé à l'aune d'un objectif clair : doter
la France d'un régime politique équilibré. J. Bardoux en exprime la
philosophie générale : « Le premier magistrat désigne. Le premier
ministre dirige. L'un contrôle. L'autre administre. Celui-ci arbitre.
Celui-là commande. Le président de la République est le chef de
l'État. Le président du Conseil est le chef d'une équipe. L'un est audessus des partis. L'autre est le leader de la majorité... Les pouvoirs
de la présidence de la République doivent être confirmés et vivifiés.
Les pouvoirs de la présidence du Conseil doivent être définis et
organisés » (La France de demain, son gouvernement, ses assemblées,
sa justice, 1936).
Dans de nombreuses contributions publiées dans les années 1930,
le chef du gouvernement est qualifié de « Premier ministre ».
L'évolution de la sémantique est bien plus profonde qu'un simple
habillage formel en référence au modèle anglais. Il s'agit d'acter le
déclin du président de la République et de doter le chef du
gouvernement de prérogatives et de moyens qui lui permettent de
gouverner efficacement et d'animer la majorité législative dont il
doit être le chef (L. Blum, J. Bardoux, G. Doumergue...).
Faire du chef du gouvernement le chef de l'exécutif implique de
sécuriser son statut, en le constitutionnalisant. La faiblesse du
cabinet tient pour beaucoup à sa précarité organisée par les lois
constitutionnelles de 1875, seul le président de la République y
trouvant place. L'ancrage de l'institution dans la Constitution est
nécessaire mais insuffisant. Dans le schéma du régime parlementaire
majoritaire, le chef du gouvernement doit apparaître comme le leader

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