Systèmes Cours - Les Constitutions de la France - Tome 3 - 1re - 98

Les Constitutions de la France

peuple) efface l'inconstitutionnalité. Cette opinion, qui soutient la
procédure retenue, est bien fragile. Elle s'est même retournée contre
le président. Souscrire à cette interprétation, qui repose sur l'idée
que le fond (référendum positif) régularise la forme (référendum de
l'article 11), c'est convenir que pour le référendum de 1969 le peuple,
en disant non majoritairement à la question posée, a conclu à
l'inconstitutionnalité de la procédure. Une dernière remarque
est d'avancer qu'en l'absence de sanction juridique, tout est permis...
S'il est vrai que le Conseil constitutionnel a été installé précisément
pour contenir le Parlement, cela ne vaut pas pour le peuple,
expression directe de la souveraineté nationale dans les consultations
référendaires. Le juge constitutionnel s'est d'ailleurs déclaré
incompétent à deux reprises, pour juger de la constitutionnalité d'une
loi référendaire, estimant ce contrôle contraire à l'esprit de la
Constitution en 1962 et à la séparation des pouvoirs en 1992. Il
déclinera sa compétence en 2003 pour contrôler les lois de révision
constitutionnelles. En réalité, l'argument décisif en faveur de la
constitutionnalité de la procédure utilisée par deux fois par le général
de Gaulle est le suivant : elle aurait pu être condamnée par les
parlementaires eux-mêmes puisque les députés ont censuré le
gouvernement et que les sénateurs, à travers leur président, ont
qualifié la procédure choisie de l'article 11 de « crime de forfaiture ». Il
ne fait pas de doute pourtant que les conditions politiques étaient
réunies pour accuser le chef de l'État de Haute trahison. L'inertie, sur
ce point, de la majorité des parlementaires qui dénonçaient pourtant
l'utilisation inconstitutionnelle de l'article 11 de la Constitution doit être
interprétée comme l'absence d'une violation manifeste de la
Constitution. On ajoutera l'argument présidentiel livré dans l'allocution
du 20 septembre : l'article 3 de la Constitution met sur un pied d'égalité
le peuple et ses représentants. La souveraineté nationale appartient au
peuple qui l'exerce par ses représentants ou par la voie du référendum.
Tous ces arguments en faveur de l'interprétation présidentielle,
elle-même défendue par le président F. Mitterrand, ne pouvaient que
heurter les juristes.
La controverse persistante, qui a rebondi à la faveur d'un obiter
dictum du Conseil d'État dans l'arrêt Sarran du 30 octobre 1998 par
lequel l'article 89 de la Constitution constituerait la procédure
exclusive de révision constitutionnelle, pourrait dissuader, à l'avenir
mais à tort, un chef de l'État de recourir de nouveau à l'article 11.
Cette doctrine du Conseil d'État convaincra peut-être, en revanche, le
Conseil constitutionnel de renverser sa jurisprudence sur l'immunité
des lois référendaires non promulguées, constitutionnelles ou non.

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