Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 115

THOMAS HOCHMANN

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avait décidé la Cour de cassation à renvoyer la QPC16, et des représentants
de victimes du génocide de 1915 furent admis à s'exprimer devant le Conseil
pour plaider en faveur d'un élargissement du délit de négationnisme.
Le 8 janvier 2016, le Conseil déclarait l'article 24 bis conforme à la
Constitution en s'appuyant sur deux fondements17. Le premier s'inscrit
de manière irréprochable dans le cadre tracé par la Constitution : le Conseil
s'interroge sur le caractère préjudiciable de l'expression incriminée. Il
considère que la négation de la Shoah est un discours raciste et dangereux,
et que son interdiction est donc permise par la Constitution. En outre,
aucune atteinte à l'égalité ne saurait être déduite de la limitation de l'incrimination à la négation des crimes contre l'humanité commis par les nazis
et leurs complices. En effet, on ne saurait considérer par principe que la
négation de tout crime contre l'humanité a forcément une signification et
des effets semblables.
Cependant, plutôt que de se limiter à cette argumentation amplement
suffisante, le Conseil constitutionnel mêlait à sa décision des considérations qui viennent renforcer le malentendu de 2012. À plusieurs reprises,
le Conseil insiste sur le fait que les crimes dont la négation est interdite
par l'article 24 bis ont fait l'objet de condamnations juridictionnelles 18.
Quelle est la pertinence de cette précision ? Le Conseil proclame-t-il enfin,
comme beaucoup pensent qu'il l'a déjà fait en 2012, une incompétence du
législateur pour interdire de nier un génocide qui n'a pas été établi par un
tribunal ? Toujours pas. Ce silence révèle encore qu'il est bien difficile de
fonder sur la Constitution les prétendues violations de la séparation des
pouvoirs ou du domaine de compétence du législateur.
Le critère de la reconnaissance juridictionnelle est introduit dans le
raisonnement du Conseil en lien avec le caractère préjudiciable des propos.
16. Cf. Droin N., « Le glas sonne-t-il pour la "loi Gayssot" ? (à propos de l'arrêt de la
Cour de cassation du 6 octobre 2015 n° 15-84335) », Revue des droits et libertés fondamentaux, 2015, chron. n° 26.
17. Décision n° 2015-512 QPC du 8 janvier 2016. Pour un commentaire détaillé, cf.
Droin N., « Conformité à la Constitution de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 :
fin de partie ? », Revue française de droit constitutionnel, n° 106, 2016, p. 501 ; Hochmann
Th., « Négationnisme : le Conseil constitutionnel entre ange et démon », Revue des droits
et libertés fondamentaux, 2016, chron. n° 03.
18. Il est loisible de remarquer que, contrairement à ce qu'affirme le Conseil, l'article 24
bis ne se limite pas à la négation de faits établis par une juridiction. Il vise les crimes contre
l'humanité commis par des personnes qui soit appartenaient à des organisations déclarées
criminelles, soit ont été condamnés pour des crimes contre l'humanité (qui ne sont pas
forcément ceux qui sont niés). Autrement dit, la référence à la décision d'une juridiction
permet de définir les auteurs des crimes niés, mais pas les crimes eux-mêmes. L'expression
visée par l'article 24 bis n'est pas définie comme la contradiction d'une décision de justice,
il n'est nulle part écrit que seule la négation des crimes qui ont fait l'objet d'une condamnation en justice est visée.

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