Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 174

170

LA QUESTION DU DÉLAI DE PRESCRIPTION

oubliés le lendemain, remplacés par d'autres articles, d'autres discours qui
retiennent à leur tour l'attention du public ». En somme, « la volatilité de
l'émotion produite par la nouvelle quotidienne facilite l'application de la
loi de l'oubli »11, comme l'ont formulé d'autres auteurs.
Les effets d'une publication sur les lecteurs étant éphémères, fugaces,
il faut juger « à chaud », tant que subsiste un trouble à l'ordre public ;
sans doute que cette justification est encore plus pertinente aujourd'hui
avec Internet et les différents supports électroniques de publication et l'accélération du temps médiatique, une information en chassant encore plus
rapidement qu'avant une autre. Juger rapidement permettrait également
d'éviter les erreurs (car on mesure mieux le caractère diffamatoire d'une
publication au moment de cette publication et pas a posteriori, une fois son
effet « retombé »), et également de ne pas laisser la presse trop longtemps
dans l'incertitude (l'idée étant, pour reprendre la terminologie européenne,
de ne pas entraver la liberté d'information et de ne pas dissuader la presse
d'exercer son rôle essentiel de « chien de garde de la démocratie »).
Derrière ces justifications vertueuses, sans doute trouve-t-on une justification moins avouable : celle d'assurer l'impunité des organes de presse.
Il est vrai que la loi de 1881 a tenté de réaliser un équilibre entre la liberté
d'expression et la protection des intérêts particuliers, et que la prescription
abrégée apparaît comme une contrepartie de l'instauration d'infractions de
presse. Pour autant, ce délai de trois mois semble bien court aux victimes,
dont les intérêts peuvent paraître sacrifiés sur l'autel de la liberté d'expression. On ajoutera qu'il est peut-être curieux, ou peu opportun, de protéger
la liberté d'expression par des règles de forme et non de fond. Surtout,
apparaît une certaine incohérence de la répression de par l'existence, en
réalité, de multiples délais selon que le délit se trouve prévu dans la loi
de 1881 ou en dehors de ce texte, nous y reviendrons. Avant cela, il nous
faut préciser la mise en œuvre du délai de droit commun.

B. La mise en œuvre du délai de prescription de droit commun
On dira d'abord quelques mots de la computation et de la réouverture
du délai.
Ainsi, le point de départ du délai de prescription est le jour où l'infraction est commise. Les infractions de presse étant considérées comme des
infractions instantanées12, elles se prescrivent par trois mois à compter
11. Ibid.
12. L'infraction instantanée est celle qui « se réalise en un trait de temps » (BouLoc B.,
Droit pénal général, 2015, Dalloz, Précis, no 231).

Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ?

Table des matières de la publication Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ?