Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 180

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LA QUESTION DU DÉLAI DE PRESCRIPTION

sur ce point, c'est-à-dire à la prescription de trente ans pour les crimes, et de
vingt ans pour les délits43. La déspécialisation conduit donc à l'application
de la prescription de droit commun en matière délictuelle, soit trois ans
pour l'action publique, en l'état actuel du droit positif44.
L'inclusion dans le Code pénal emporte une banalisation des infractions de presse qui pourrait s'avérer problématique45. Comme le formule
Mme la présidente de la 17e chambre du TGI de Paris, « Ne risque-t-on pas
d'amplifier l'importance de certains propos et de susciter ou d'encourager
le sentiment déjà bien répandu que l'on ne peut plus rien dire ? ».
Après la déspécialisation, premier procédé de contournement, indirect
au demeurant, du délai de prescription de droit commun, il nous faut envisager le second, soit l'instauration de délais particuliers, qui permet de
contourner directement cette fois la prescription trimestrielle, en insérant
des dispositions dérogatoires dans la loi sur la presse.

B. L'instauration de délais particuliers
De lege lata. C'est par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité46 que le législateur a
inséré dans la loi de 1881 un article 65-3 fixant à un an le délai de prescription de l'action publique de certains délits de presse. Dans la version
initiale de ce texte, il s'agissait de la provocation à la discrimination raciale
(art. 24 al. 7), de la contestation de crimes contre l'humanité (art. 24 bis),
de la diffamation publique raciale (art. 32 al. 2) et de l'injure publique
raciale (art. 33 al. 3). Depuis, le champ d'application de ce texte a été
étendu, pour inclure la provocation à la discrimination en raison du sexe,
de l'orientation sexuelle, de l'identité sexuelle ou du handicap (art. 24

43. Code de procédure pénal, article 706-25-1.
44. Code de procédure pénale, article 706-25-1, al. 3 ; à noter que la proposition de loi
portant réforme de la prescription en matière pénale (V. supra, note 1) envisage de porter
le délai de droit commun de prescription de l'action publique de dix à vingt ans en matière
criminelle, et de trois à six ans en matière délictuelle ; V. dossier « Réformer la prescription ? », AJ pénal 2016, p. 291 s.
45. Contribution de Mme Fabienne Siderey-Garnier, présidente de la 17e chambre du TGI
de Paris, in Rapport d'information n° 2778 sur la prescription en matière pénale, déposé à
l'Assemblée nationale le 20 mai 2015, présenté par A. Tourret et G. Fenech, p. 361 s. ;
l'auteur remarque que certaines infractions qui pourraient être considérées comme des
infractions de presse, sont prévues dans le Code pénal et se voient appliquer les règles générales de prescription (dont les délits d'outrages, de publicité en faveur du tabac sur Internet,
le chantage, ou la diffusion d'images pédopornographiques à destination des mineurs).
46. JO 10 mars 2004, p. 4567.
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