Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 20

ANALYSE DES DÉBATS PARLEMENTAIRES

pensée parlée, écrite ou imprimée : « La presse sans l'impunité ce n'est pas
la presse libre, c'est la presse ayant pour juges l'arbitraire, l'ignorance et
l'intolérance ». Les deux seules exceptions qu'il préconise sont l'obligation
imposée, sous peine de saisie, à tout imprimé d'être signé du véritable nom,
soit de l'auteur, soit de l'éditeur, soit de l'imprimeur ; et l'application aux
excès commis par la voie de la parole ou de la presse, de l'article 1382 du
Code civil. Cette opinion est repoussée. Pour toute réponse, Lisbonne,
s'adressant aux membres de la commission, leur rappelle qu'ils ont justement résolu la question en sens contraire, d'accord en cela avec leurs
prédécesseurs de 1876 : « par la seule nomination d'une Commission
de vingt-deux membres, vous avez implicitement, mais très nettement,
décidé qu'il fallait faire une loi. C'est en ce sens que votre Commission
s'est prononcée, à la presque unanimité, dans sa séance du 19 février 1879.
[...] Cette loi devait embrasser, dans ses dispositions, non seulement la
presse périodique, dont se préoccupent exclusivement les adversaires d'une
loi spéciale en matière de presse, mais tous les modes de publication, par
l'imprimerie, par la librairie, par l'affiche et par la parole. Cette loi ne
devait pas se borner à renvoyer à l'article 1382 du Code civil en exigeant
la signature de l'auteur de l'écrit. C'est là une règle de droit commun,
purement théorique, dont le droit commun lui-même s'est chargé de faire
l'application. Cette application, en quoi consiste-t-elle ? Elle consiste dans
la réparation du préjudice causé. Or, cette réparation varie selon la nature,
selon la gravité du préjudice lui-même. Elle est civile ou pénale, ou, pénale
et civile tout à la fois. Les deux systèmes de réparation ont pour base, pour
raison unique, la responsabilité humaine. L'article 1382 n'exclut donc pas,
il implique au contraire, au point de vue de son application, la nécessité
d'une loi. Cette loi, nous vous l'apportons. C'est une loi d'affranchissement
et de liberté ».
Avant même l'ouverture des débats à la Chambre en janvier 1881, deux
solutions opposées sont donc clairement exprimées.
Une très longue discussion sur le choix qu'il convenait de faire entre ces
deux systèmes s'engage alors à la Chambre entre d'une part les adversaires
de la commission estimant que la répression de ces crimes et délits de la
presse trouvait une sanction suffisante dans la combinaison des articles 1382
du Code civil et 60 du Code pénal qui oblige celui par la faute duquel un
préjudice a été causé à le réparer, et qui punit la complicité, et d'autre part
le ministère et les orateurs de la commission opposés à cette solution.
En guise d'ouverture, Floquet présente, sur le futur art. 23 de la loi
(seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit...),
un amendement signé de vingt-trois membres dont Clémenceau, ainsi
conçu : « Chapitre IV, Art. 26. Il n'y a pas de délits spéciaux de la presse.
Quiconque fait usage de la presse ou de tout autre moyen de publication

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