Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 208

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L'ADAPTATION DU RÉGIME DE RESPONSABILITÉ PÉNALE

ni ne surveille, ni ne modifie le continu23. Renforçant la confusion qui existe
en la matière, la Cour européenne, a toutefois précisé que cette solution
avait une portée limitée et circonstanciée : elle « ne concerne pas d'autres
types de forums sur Internet susceptibles de publier des commentaires
provenant d'internautes, par exemple les forums de discussion ».
À l'heure actuelle, il semble nécessaire de différencier et de préciser
la place et la responsabilité de ces acteurs intermédiaires qui sans être de
véritables éditeurs, ne sont pas non plus de simples prestataires techniques.
Au sujet des plateformes, le Conseil d'État, dans son rapport d'information sur le numérique et les droits fondamentaux datant de 2014 avait
mis en avant cette difficulté. Il relevait que « nombre de plateformes ne se
contentent pas de stocker passivement les offres de sociétés tierces ou les
contenus mis en ligne, elles les organisent en les indexant et, en faisant,
le cas échéant, des recommandations personnalisées aux internautes »24.
Or, les qualifier d'hébergeurs est impossible puisque leur rôle n'est pas
purement passif ; elles ne peuvent donc bénéficier du régime de responsabilité limitée. Mais les qualifier d'éditeurs menace la liberté d'expression :
le risque étant que ces plateformes ne mettent en œuvre une censure a
priori des contenus afin d'éviter leur responsabilité. C'est d'ailleurs la
critique qu'ont exprimée deux juges de la Cour européenne dans leur
opinion dissidente sur l'arrêt Delfi : « La Cour européenne a approuvé un
système de responsabilité qui impose aux intermédiaires Internet actifs
[...] une connaissance présumée du contenu qu'ils hébergent. [...] Les
conséquences sont faciles à prévoir. Afin d'éviter les diffamations de toutes
sortes, et peut-être toutes les activités « illégales », il faudra contrôler tous
les commentaires dès le moment où ils seront déposés. En conséquence,
les intermédiaires actifs et les exploitants de blogs, seront fortement incités
à cesser d'offrir la possibilité de laisser des commentaires, et la crainte de
voir leur responsabilité engagée risquera en outre de les amener à pratiquer
l'autocensure ». Le Conseil d'État en 2014, comme le Sénat aujourd'hui25,
propose ainsi de créer une nouvelle catégorique juridique intermédiaire
entre les hébergeurs et les éditeurs.
Le régime de responsabilité pénale des acteurs d'Internet semble donc
bien inadapté. Les difficultés d'identification rencontrées s'agissant de la
responsabilité en cascade se retrouvent également s'agissant de la responsabilité des prestataires techniques. Or, ici aussi, s'ajoutent encore de
nombreux obstacles à leur mise en cause.
23. Voir, notamment, les observations de la Fondation Helsinki pour les droits de l'homme,
partie intervenante, § 94-95.
24. Conseil d'État, étude annuelle, « Le numérique et les droits fondamentaux »,
septembre 2014, www.ladocumentationfrançaise.fr.
25. Proposition n° 14.

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