Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 57

FABIEN MARCHADIER

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spéciaux (diffamation, injure, provocation, apologie, offense) aux exigences
européennes de prévisibilité et d'accessibilité de l'ingérence6 ? Au demeurant, plusieurs dispositions de la loi n'ont pas résisté au contrôle européen.
Il a emporté la protection renforcée du président de la République7 et des
chefs d'État étrangers8 tout comme la police des publications étrangères9.
L'exception de vérité a été affranchie des limites dans lesquelles elle était
enfermée, en particulier l'interdiction de rapporter la preuve des faits datant
de plus de dix ans10 et la menace d'une condamnation pour recel si la vérité
repose sur des documents couverts par le secret de l'instruction ou tout
autre secret professionnel11. À tel point que l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe a invité « la France à réviser sa loi du 29 juillet 1881 à
la lumière de la jurisprudence de la Cour »12 et, notamment, « à amender,
ou à abroger, l'article 35 de sa loi du 29 juillet 1881 qui prévoit des exceptions injustifiées interdisant à la partie poursuivie d'apporter la preuve
de la véracité du fait diffamatoire »13. La France, par la voix du Conseil
constitutionnel saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité14, n'a
répondu, favorablement, qu'à la seconde partie de l'invitation.
Une révision générale de la loi serait donc une nécessité. Quoique certains
abus, tels que définis par le législateur, n'aient pas motivé un constat de
violation de la Convention15, et sous réserve d'une jurisprudence récente
6. CEDH, 18 mai 2004, Plon c/ France, req. n° 58148/00, § 29.
7. Cour EDH, 14 mars 2013, Eon c/ France, req. n° 26118/10.
8. Cour EDH, 25 juin 2002, Colombani c/ France, req. n° 51279/99, RTDH 2003/55. 975
note Waschmann P.
9. Cour EDH, 17 juillet 2001, Association Ekin c/ France, req. n° 39288/98.
10. Cour EDH, 7 novembre 2006, Mamère c/ France, req. n° 12697/03.
11. Cour EDH, 21 janvier 1999, Fressoz et Roire c/ France, req. n° 29183/95, RTDH
1999. 673 note Bigot C.
12. Résolution n° 1577 (2007) du 4 octobre 2007, « Vers une dépénalisation de la diffamation », pt. 17.6.2.
13. Ibid., pt. 17.7.
14. Cons. const., Décision n° 2011-131 QPC du 20 mai 2011, Mme Térésa C. et autre
[Exception de vérité des faits diffamatoires de plus de dix ans] ; Cons. const., Décision
n° 2013-319 QPC du 7 juin 2013, M. Philippe B. [Exception de vérité des faits diffamatoires
constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou ayant donné lieu à une condamnation
effacée par la réhabilitation ou la révision].
15. Dans la continuité de l'article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques (v. « Toute propagande en faveur de la guerre est interdite par la loi. Tout appel
à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à
l'hostilité ou à la violence est interdit par la loi »), la sanction des discours dont la tonalité
est globalement négationniste ou raciste est justifiée (par exemple pour diffamation raciale,
provocation à la haine raciale [CEDH, déc., 20 octobre 2015, M'Bala M'Bala c/ France, req.
n° 25239/13 ; CEDH, déc., 18 mai 2004, Seurot c/ France, req. n° 57383/00 ; CEDH, déc.,
24 juin 2003, Garaudy c/ France, req. n° 65831/01]). Il en va de même de la diffamation à
condition de mener un examen de proportionnalité et de modérer la sanction prononcée
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