Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 72

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L'HYPOTHèSE DES DÉLITS DE PRESSE DÉSUETS

B. Les délits de presse semblant désuets par disparition
de la ratio legis
La disparition de la raison d'être de la loi17 peut bien évidemment
concerner certains délits de la loi sur la presse du 29 juillet 1881.
En effet, s'agissant d'un texte relativement ancien, certaines dispositions
de ce texte peuvent être désuètes du fait de la modification ou de la disparition des circonstances particulières qui avaient pu initialement les justifier.
On peut donner deux exemples d'articles ayant, peut-être, perdu leur
ratio legis.
Il est permis, à propos de cette cause de désuétude, d'évoquer tout
d'abord l'article 37 qui incrimine l'outrage public envers les diplomates
étrangers. On se rappelle que ce texte est souvent considéré comme désuet
par inapplication de la loi, même si cette opinion est contestée en doctrine18.
Il est aussi possible de se demander si cet article n'a pas également
aujourd'hui perdu sa raison d'être. En effet, ce texte trouve sa justification
traditionnelle dans la volonté supposée du législateur de vouloir défendre
les intérêts supérieurs de la France, au nom d'ailleurs d'une certaine conception de la France et de la défense de ses intérêts19. On peut cependant se
demander si la ratio legis de l'article 37 n'a pas disparu avec l'abrogation
de l'article 36 (de la loi sur la presse) par la loi du 9 mars 2004. Rappelons
d'ailleurs que ce même article 36 n'avait déjà plus été appliqué par le TGI
de Paris le 25 avril 200120.
On serait presque tenté de dire : si on ne peut pas le plus, on ne peut pas
le moins. Autrement dit, s'il n'est plus possible de sanctionner l'offense
faite aux chefs d'État étrangers, eu égard à une certaine conception des
intérêts de la France, est-il encore possible de sanctionner l'outrage fait
aux diplomates étrangers21 ?
À supposer que l'on récuse cette première cause de disparition de la
raison d'être de l'article 3722, la défense des intérêts supérieurs de la France
exige-t-elle toujours la possible application de ce texte ? Mieux, la défense
17. Cessante ratione legis, cessat ejus dispositio [La disparition de la raison d'être de la loi
entraîne celle de la loi elle-même]. Sur cette notion en général, voir RoLand H. et Boyer L.,
Locutions latines du droit français, Litec, 4e éd., 1998, p. 408.
18. Cf. supra, A.
19. Cette idée est rappelée et apparemment partagée par Dreyer E., op. cit., n° 253.
20. Cf. supra, introduction.
21. Contra, Dreyer E., op. cit., n° 253 qui considère que si le législateur n'a pas abrogé
ce texte c'est qu'il estimait que cet article avait encore pour objet de permettre la défense
des intérêts de la France.
22. Dreyer E., op. cit., n° 253.

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