Droit et Société - L'État du droit administratif - 2e - 126

L'ETAT DU DROIT ADMINISTRATIF

nistratives indépendantes dans le paysage institutionnel. Mais, comme le note
S. Braconnier 68, c'est surtout avec l'ouverture à la concurrence des services
publics en réseaux que vont s'installer et s'imposer dans le lexique juridique les
notions de régulation et de régulateur. Par elles, dit l'auteur, sont désignées des
« autorités sectorielles de régulation, qui tout en conservant le caractère
d'autorités administratives indépendantes, n'en constituent pas moins des
formes originales d'organes de contrôle de la concurrence ». Située dans le
champ de ces services publics désormais confrontés aux pratiques comme au
droit de la concurrence, la régulation vaut invention obligée d'un nouveau style
d'action publique là où les voies anciennes par trop rigides de la réglementation
ne sont plus fréquentables 69 : « la régulation constitue un mécanisme très adapté aux diverses manifestations de ce qu'il est convenu d'appeler la « mondialisation ». L'État, et avec lui le droit, régressent aujourd'hui sensiblement, concurrencés par d'autres forces, économiques et scientifiques notamment, qui
fixent leurs propres règles et élaborent leurs propres procédures. Il convient
donc d'imaginer, dans certains secteurs exposés, de nouvelles formes de pouvoirs et de nouvelles modalités d'exercice de la démocratie. La régulation constitue peut-être une des clés de cette évolution » 70.
Plus globalement la construction de ce qu'on peut qualifier de statut juridique de la régulation doit être mise en rapport avec « l'évolution de la technique juridique dans les sociétés occidentales » 71. On sait le sens général de
cette évolution : le déclin des formes les plus contraignantes du vieux droit,
c'est à dire les modes de direction autoritaire et hétéronome des conduites collectives, va de pair avec la promotion spectaculaire d'une direction juridique
autonome des comportements où la recommandation tend à se substituer au
commandement. Celui-ci n'a évidemment pas disparu : il demeure en creux
dans les pratiques juridiques, comme il continue d'informer les manières dominantes de penser le droit. Mais il lui a fallu quand même faire de la place à ce
droit nouveau de la régulation qu'appelle la gestion des sociétés postmodernes.
C'est là que G. Timsit situe ce deuxième « corps du droit » 72dont il explique
ainsi la nature singulière : « Le pouvoir normatif, alors, ne se traduit plus dans
une réglementation uniforme imposée du Centre et à tous également -
impérativité, extériorité de la loi traditionnelle qui s'accomplit dans l'instant
même de son édiction. Il s'exerce dans la durée, constituant un procès destiné à
ne trouver d'achèvement que dans l'application concrète de normes générales
aux situations singulières qu'elles viennent régir. C'est une forme « différée »
de l'exercice du pouvoir normatif, particulièrement adaptée à la fonction qui,

68. Étude précitée, p. 43.
69. V. la description que donne de ce nouveau style B. DU MARAIS, dans les chapitres 14 et 15 de
son manuel précité.
70. V. S. BRACONNIER, travail précité, p. 57.
71. Titre d'une étude de P. AMSELEK, RDP, 1982, p. 275-294.
72. V. G. TIMSIT , Les deux corps du droit, op. cit.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 56, 2e éd., 2017

126

Table des matières de la publication Droit et Société - L'État du droit administratif - 2e