Droit et Société - L'État du droit administratif - 2e - 259

DROIT ADMINISTRATIF, ÉTAT ET DISSENSION

logues : « Considérant que le bénéficiaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public doit, quelle que soit sa qualité, supporter sans indemnité les frais de déplacement ou de modification des installations aménagées en vertu de cette autorisation lorsque le déplacement est la conséquence de
travaux entrepris dans l'intérêt du domaine public occupé et que ces travaux
constituent une opération d'aménagement conforme à la destination du domaine ; que ce principe s'applique sauf convention contraire... ». Supposons
que des « directives » de ce type permettent de considérer comme provisoirement réglé le problème du champ, une autre difficulté surgit qui concerne le
mode de traitement de ses éléments constitutifs.
B. - Mode d'investissement dans le champ

Il est question de difficulté parce que le statut juridique du sujet est mal assuré. Dès que l'on quitte les chemins balisés par le droit du contentieux on est
condamné à multiplier les déplacements en terre inconnue. Là, le juriste aura à
affronter deux types d'obstacles. Le premier est d'ordre pratique : ce n'est pas
parce que dans l'administration les conflits se font réalité qu'ils offrent une matière prête à l'emploi, c'est à dire organisée, mise en forme dans une documentation dont l'analyse juridique fait traditionnellement usage. La connaissance de
cette matière appelle le recours à des enquêtes de terrain. Ce n'est pas franchement l'affaire du juriste, sauf s'il est consulté à titre d'expert à l'occasion de tel
ou tel conflit. Mais de telles expertises n'entrent qu'exceptionnellement dans
l'espace public propre de la recherche. A cet obstacle matériel s'en ajoute un
autre de nature théorique : il n'est pas sûr du tout que la pensée juridique offre
les ressources intellectuelles les plus adaptées au traitement des « crises » internes à l'administration. D'abord parce qu'elle s'emploie à faire voir
l'Administration plutôt que les administrations 10, en ramenant dans toute la
mesure du possible la diversité des organisations, des décisions et des actions
publiques à l'unité supposée de l'Administration : ne pourrait-on pas relire en
ce sens les théories de l'institution, de l'acte ou encore de la responsabilité ?
Ensuite parce qu'en tout état de cause lorsque la pluralité des administrations se
découvre dans le droit - l'analyse juridique de la déconcentration et de la décentralisation rend inéluctable la reconnaissance de cette diversité institutionnelle - c'est toujours dans le cadre obligé de l'unité de l'État et de l'indivisibilité du territoire de la République 11.
Pour saisir l'objet dont il est question, il faut garder ses distances à l'égard
d'une rhétorique qui relativise l'altérité au sein de l'administration. Pour réussir
cette opération mentale le juriste sera logiquement conduit à mobiliser les ac-

10. On doit à C. EISENMANN l'approche décisive de ces problèmes relevant de l'épistémologie
juridique. V. son « Cours de doctorat 1966-1967, Problèmes d'organisation de
l'administration », dans Cours de droit administratif, LGDJ, Paris, 1982, tome 1, p. 157-300.
11. V. J. CAILLOSSE, Les mises en scène juridiques de la décentralisation, ouvrage précité.

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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 56, 2e éd., 2017

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