Cours - Droit des biens - 1re - 125

Distinctions fondées sur l'appropriation des choses

prendra la possession avec la volonté d'en être le propriétaire (animo domini). Il sera donc,
dès cet instant, possible d'en exclure autrui.
134

Les res nullius et les res derelictae. Les choses sans maître sont de deux sortes.

I. Les res nullius (choses qui n'appartiennent à personne)
135 Les choses qui n'appartiennent à personne ou res nullius. Sont envisagés sous cette
dénomination les produits de la mer, tels les poissons que l'on y pêche ou les coquillages
que l'on ramasse sur son bord, ou encore, sur terre, les animaux sauvages. La signification
première de la catégorie des res nullius appliquée à la matière de la chasse renvoie à une
double nécessité : la quête de la nourriture et le contrôle, voire l'élimination d'espèces
nuisibles. Là aussi, les réglementations particulières ne sont jamais éloignées de l'étude
de cette catégorie particulière de choses. Ainsi, pour les eaux courantes, le droit de pêche
dans les cours d'eau non domaniaux profite, depuis le décret nº 89-804 du 27 octobre 1989
qui a réformé le Code rural, aux riverains. Ceci marque, par rapport à la législation antérieure de 1984, une restriction de l'accès de tous aux ressources naturelles, au bénéfice
des propriétaires privés47.

136 Res nullius et protection de la nature. L'idée de choses sans propriétaire susceptible
d'appropriation par le premier occupant peut choquer le défenseur de la nature. Les
risques de dérives n'ont-elles pas concrètement conduit dans un autre sens à cesser la
distribution de sachets en plastique dans les grandes surfaces ?... L'existence des res
nullius a néanmoins été affirmée, sous la réserve des réglementations qui encadrent
l'usage que tout un chacun peut être amené à en faire. Cette réserve n'est pas mineure.
Elle permet d'envisager la notion en compatibilité avec une politique de préservation efficace de la nature48.

Les collisions accidentelles avec des animaux sauvages. Ces accidents suscitent un
débat spécifique, entre la volonté de réprimer le braconnage et celle d'éviter l'incompréhension légitime de la victime d'un tel accident, devant laisser l'animal mort au bord de la
route où il va pourrir : si un matin, tôt, une personne fait au volant de sa voiture une
rencontre inopinée et brutale avec un faisan ou un lièvre et que l'automobiliste décide
d'embarquer l'animal sans signaler la collision aux autorités compétentes, qu'il s'agisse
du maire de la commune, de la gendarmerie ou de la police, d'un service départemental -
soit de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, soit de l'Office national des
137

47. V. spéc. art. L. 435-4 et R. 435-1 C. env. ; et anc. art. 431 C. rural, Loi nº 84-512 du 29 juin 1984 relative à la pêche en eau
douce et à la gestion des ressources piscicoles.
48. Contra : J. DE MALAFOSSE, Le droit de l'environnement. Le droit à la nature, Aménagement et protection, Montchrestien, 1973,
p. 132 et surtout p. 186. Adde G. PROUTIÈRE-MAULION, « L'évolution de la nature juridique du poisson de mer. Contribution à la notion
juridique de bien », D. 2000. chron., 647, qui considère que la création d'un régime juridique visant à encadrer les pratiques de
pêche et protéger les stocks de poissons empêche désormais de parler de res nullius à leur sujet et propose un concept
nouveau, celui de res collectivis - mais n'est-ce pas ici une autre façon de désigner les lois de police ?
Sur l'institutionnalisation de la prudence en matière de ressources sans maître : M. RÈMOND-GOUILLOUD, Ressources naturelles et
choses sans maître, D. 1985, chron., 27 ; A. SÉRIAUX, Nulle chose sans maître, in Mél. G. Goubeaux, Dalloz/LGDJ, 2009. 483.

125
Table des matières de la publication Cours - Droit des biens - 1re
