Cours - Droit des biens - 1re - 205

Le patrimoine, universalité de droit

(art. L. 110-1)93. Ce concept de patrimoine commun de la nation apparaît en d'autres endroits,
pour désigner : le territoire national (art. L. 101-1 C. urb.), l'eau (art. 1er de la loi nº 92-3 du
3 janv. 1992 sur l'eau ; art. L. 210-1 C. env.), le milieu marin (art. L. 219-7), la langue française (loi nº 94-665 du 4 août 1994), le patrimoine culturel subaquatique (loi nº 2012-1476
du 28 déc. 2012 autorisant la ratification de la convention sur la protection de ce patrimoine), jusqu'au ressources génétiques (art. L. 412-3 C. env.). Même le droit constitutionnel
entre dans la ronde de la patrimonialisation94.
En parallèle, il arrive que les droits de l'Homme soient présentés selon une répartition en
trois générations de droits95. Les droits dits de première génération touchent aux droits
individuels, civils et politiques et sont d'inspiration libérale (ce sont les droits-libertés) ; les
seconds, de deuxième génération, qui sont aussi appelés « droits de créance » dans la
mesure où l'État doit une prestation positive et non une simple abstention, constituent
des droits économiques, sociaux et culturels. S'ajoutent les droits dits de la troisième
génération, plus humanistes, dont l'énonciation est belle, vaste... et parfois vague. Ces
droits comprennent les droits collectifs, dits de solidarité, tels le droit au développement,
ou encore le droit à la préservation du patrimoine commun de l'humanité96. Ce sont des
« droits-citoyens ».
Ces droits vont désormais et après diverses conventions visant à la protection de
l'environnement97, de l'amélioration du cadre de vie98 jusqu'au droit à la vie99. L'évolution
est nette : d'une conception purement économique et stratégique des ressources, en
passant par l'encadrement des activités dangereuses apparues avec l'industrialisation,
est venu le temps de la conscience de la nécessité d'une protection de la nature
sauvage, d'abord (avec la création de parcs nationaux dès le XIXe siècle en Amérique du
Nord et à partir de la loi du 10 juillet 1976 en France), de l'environnement de l'être
humain et de la protection des milieux, ensuite100. Le concept de développement

93. Dont les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la
qualité de l'air, les êtres vivants et la biodiversité. Rappr. art. L. 911-2 C. rural qui dit que les ressources halieutiques (le mot
renvoie à l'exploitation des ressources vivantes aquatiques) auxquelles la France accède constituent un « patrimoine collectif ».
94. D. ROUSSEAU, « La notion de patrimoine constitutionnel européen », in Mél. Ph. Ardant, LGDJ, 1999, p. 27.
95. S. Marcus Helmons souhaite la prise en compte d'une quatrième génération des droits de l'Homme, ceux qui visent à
protéger la dignité de l'être humain contre certains abus de la science : « La quatrième génération des droits de l'homme », in
Les droits de l'homme au seuil du IIIe millénaire, Mél. P. Lambert, Bruylant, 2000, p. 549. La discussion sur le périmètre d'une
quatrième génération de droit est récurrente.
96. R.-J. DUPUY, « La notion de patrimoine commun de l'humanité appliquée aux fonds marins », in Mél. Cl.-A. Colliard,
éd. A. Pédone, 1983, p. 197 ; et « Réflexions sur le patrimoine commun de l'humanité », Rev. Droits, 1-1985, p. 63. V. aussi
C. Groulier, « Quelle effectivité juridique pour le concept de patrimoine commun ? », AJDA 2005. 1034 ; F. TERRÉ, « L'humanité, un
patrimoine sans personne », in Mél. Ph. Ardant, LGDJ, 1999, p. 339.
97. Dont la plus célèbre reste sans doute celle de l'UNESCO du 16 nov. 1972 pour la protection du patrimoine mondial culturel
et naturel ; v. J. THEVENOT, « Environnement et préjudice moral : observations sur les contentieux en réparation », D. 1994, chron.,
225, qui envisage l'environnement tant de façon restrictive - la sphère privée - qu'extensive - lorsque c'est la collectivité qui est
atteinte.
98. V. la Convention européenne du paysage adoptée par le Conseil de l'Europe à Strasbourg le 19 juillet 2000, signée à Florence
le 20 oct. 2000 qui définit le paysage en l'annonçant comme la « partie du territoire telle que perçue par les populations, dont le
caractère résulte de l'action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ».
99. M. ULIESCU, « Droit de l'homme à l'environnement », in Mél. X. Blanc-Jouvan, Soc. législ. comp., 2005, p. 383, envisage les limitations qu'un tel objectif impose au droit de propriété, qu'il s'agisse uniquement de l'accès aux biens qui sont des res communes
comme l'eau ou l'air, ou des biens appropriables auquel cas il s'agit véritablement d'une restriction à la propriété.
100. J. DE MALAFOSSE, « La propriété gardienne de la nature », in Études J. Flour, Defrénois, 1979, p. 335 ; « La gestion concertée du
patrimoine naturel », in Mél. P. Raynaud, Dalloz-Sirey, 1985, p. 399. L'auteur indique que le droit à la nature s'exprime dans la loi
de 1976 en devoir, prioritairement de l'administration de coordonner ses actions en la matière. Il cite dans son second écrit
Robert Poujade qui qualifia, en 1975, le ministère de l'environnement de ministère de l'impossible. Il est toutefois possible de se

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