Cours - Droit des biens - 1re - 459

Notule. Aspects de publicité foncière

Avec l'apparence, une personne semble être propriétaire d'un bien alors qu'en réalité elle
ne l'est pas. Pour protéger le tiers qui s'est mépris sur la réalité et néanmoins valider les
actes accomplis, le droit fait prévaloir l'apparence sur la réalité8. Entre le véritable
propriétaire et le tiers de bonne foi abusé par l'apparence, le second est préféré, et ceci
dans un objectif de stabilité des relations juridiques9. La solution retenue se comprend
d'autant mieux que dans le cas d'une propriété apparente il existe un titre qui a créé la
fausse apparence. L'apparence du titre10 présente ici une équivalence à l'apparence dans
le fait qui prévaut dans la possession. Elle conduit cependant à valider de manière
certaine le faux là où la possession protège « l'incertain, probablement vrai, au risque de
protéger le faux »11. Conformément à l'adage latin, error communis facit jus, l'erreur ne
crée le droit qu'à la condition d'avoir été commune. Ce qui veut dire que l'apparence n'a
pas dû tromper le seul tiers, mais que toute personne normalement diligente placée dans
les mêmes circonstances eût commis la même erreur, eût été habitée par une même
conviction12. C'est pourquoi la Cour de cassation impose aux juges du fond de préciser
les circonstances qui ont pu autoriser le tiers à croire en la qualité annoncée13. La
charge de la preuve pèse sur ce dernier.
En outre, la bonne foi du tiers (mais non du propriétaire apparent, qui est indifférente à
l'apparence) est essentielle. Certes, elle est présumée. Mais lorsque le tiers connaissait
la réalité - autrement dit, la situation de son auteur -, il ne saurait - de bonne foi - se
prévaloir de l'apparence. La bonne foi seule, normalement, ne suffit pas à produire un
effet translatif de droit et ce n'est qu'ajoutée à un juste titre qu'elle ouvre le délai de l'usucapion en matière immobilière. Or ici, parce qu'elle est invincible, la bonne foi fondée sur
un titre faux produit un effet remarquable, puisqu'elle permet un transfert immédiat de
droit réel14. La Cour de cassation vient de rejeter une QPC ainsi rédigée : « L'article 544
du Code civil, tel qu'interprété par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, en
ce qu'elle admet la validité de la vente d'un bien immobilier par un propriétaire apparent,
si l'acquéreur est de bonne foi et victime de l'erreur commune, et admet donc la perte de
son bien par le véritable propriétaire, est-elle contraire aux droits et libertés garantis par
la Constitution, et notamment au droit de propriété, visé aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? ». La Haute juridiction répond que, « que, sous
le couvert d'une contestation de la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation constante conférerait à l'article 544 du Code civil, [le demandeur] conteste en réalité
la construction jurisprudentielle de la théorie de l'apparence en ce qu'elle est appliquée

8. V., très net à propos du paiement fait de bonne foi à celui qui est en possession de la créance, avec une formulation désormais modernisée du Code civil : anc. art. 1240 C. civ. : « Le paiement fait de bonne foi à celui qui est en possession de la
créance est valable, encore que le possesseur en soit par la suite évincé. » Nouvel article 1342-3 : « Le paiement fait de bonne
foi à un créancier apparent est valable. »
9. Première décision à s'être appuyée sur l'adage : T. Chinon 21 mars 1877, D. 77. 1. 429 (confirmé par la cour d'Orléans et
pourvoi rejeté : Cass. 3 juill. 1877, D. 77. 1. 430). Adde Cass. civ., 26 janv. 1897, GA nº 100.
10. Et non le juste titre, v. Cass. civ., 23 et 24 mars 1909, D. 1910. 1. 114 (appréciation de la seule régularité en la forme du titre
d'acquisition).
11. Ch.-E. CLAEYS, « La notion de possession. Pour une approche pédagogique nouvelle », in Mél. G. Dehove, PUF, 1983, p. 111,
nº 33.
12. L'image du standard juridique qu'est le bon père de famille, rebaptisé « personne raisonnable » à l'occasion de la réforme du
droit des contrats en 2016, art. 1197 et 1301-1 C. civ., réapparaît alors.
13. Cass. 3e civ., 4 févr. 1998, Bull. civ. III, nº 26 ; 24 sept. 2003, ibid. III, nº 162, Defrénois 2004, art. 37882, p. 305, obs. S. PIEDELIÈVRE.
14. H. MAZEAUD, « La maxime error communis facit jus », RTD civ. 1924. 929, qui en constate la présence dans divers droits étrangers, p. 960-964.

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