Cours - Droit des biens - 1re - 59

La distinction fondée sur la nature physique des choses

plan fiscal, il a été décidé que dans l'Union européenne, un pays ne peut pas appliquer un
taux réduit de TVA aux livres numériques : d'abord par un arrêt rendu le 5 mars 2015, par
lequel la Cour de justice de l'Union européenne a considéré que le livre numérique relève
de la fourniture d'un service auquel doit être appliqué un taux de TVA de 20 % et non de
5,5 % comme le fait la France29. Le ministre des Finances et celui de la Culture notamment, ont rappelé que le taux réduit de TVA adopté dès la loi de finances pour 2011,
« vise à assurer l'égalité de traitement fiscal des livres, ainsi que l'innovation dans la diffusion des savoirs et de la culture ». Et la France appelait dès 2015 la Commission européenne à faire le plus rapidement possible des propositions dans le cadre de la stratégie
pour le marché unique numérique pour introduire dans le droit européen un principe de
neutralité permettant l'application du taux réduit pour tous les livres, quel que soit leur
support30. Les commissaires européens ont à plusieurs reprises affirmé leur compréhension vis-à-vis d'un paradoxe pointé par nos ministres et les lobbies de l'édition : les taux
de TVA ne sauraient appliquer une discrimination sur le livre selon son support, papier
ou numérique ! Pourtant, la Cour de Luxembourg a récemment confirmé son approche,
en réponse à une demande de décision préjudicielle polonaise sur la validité de l'article 98,
paragraphe 2, et du point 6 de l'annexe III de la directive 2006/112/CE du Conseil, du
28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée31. La Cour a
répondu que la directive « qui a pour effet d'exclure la possibilité pour les États membres
d'appliquer un taux réduit de TVA à la fourniture de livres numériques par voie électronique, tout en les autorisant à appliquer un taux réduit de TVA à la fourniture de livres
numériques sur tout type de support physique, ne méconnaît pas le principe d'égalité de
traitement, tel qu'énoncé à l'article 20 de la Charte »32.
Particularité de l'image d'un bien. L'utilisation de l'image d'un bien sans obtenir voire
solliciter l'autorisation de son propriétaire a un temps opposé les deux premières chambres
de la Cour de cassation sur le point de savoir si le droit du propriétaire sur le bien était, de
ce fait, affecté ou non33. La Première chambre civile, au visa de l'article 544 du Code civil,
estimait que « l'exploitation d'un bien sous la forme de photographies porte atteinte au
droit de jouissance du propriétaire »34 ; la Deuxième chambre civile, approuvant la sanction
par les premiers juges de l'atteinte portée au respect de la vie privée du propriétaire par la
publication avec son nom et adresse de la photographie de sa résidence, a ajouté qu'était
« erroné mais surabondant » le motif selon lequel le droit à l'image serait un attribut du
droit de propriété35. La Première chambre civile de la Cour de cassation avait cependant
limité son exigence en imposant au propriétaire la démonstration du trouble certain porté
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29. CJUE, 4e ch., 5 mars 2015, nº C-479/13, Commission européenne c/République française soutenue par le Royaume de
Belgique ; nº C-502/13, Commission européenne soutenue par le Conseil de l'Union européenne c/Grand-Duché de Luxembourg
soutenu par le Royaume de Belgique.
30. CJUE, 4e ch., 5 mars 2015, nº C-479/13 Minefi.
31. Modifiée par la directive 2009/47/CE du Conseil, du 5 mai 2009.
32. CJUE, Gde ch., 7 mars 2017, aff. C‑390/15.
33. L'image, Journées nationales, Association Capitant, t. VIII, Dalloz, 2005 ; J.-M. BRUGUIERE, L'exploitation de l'image des biens,
Guide Legipresse, 2005 ; B. MAGERAND, « L'image des biens », RRJ 2004-1, p. 149 ; F. SIIRIAINEN, « Une autre image de "l'image des
biens"... et de la propriété », Comm.-Com. électr., oct. 2004, étude 35.
34. Cass. 1re civ., 10 mars 1999, Café Gondret, Bull. civ. I, nº 87 ; D. 1999. 319, concl. J. SAINTE-ROSE, note E. AGOSTINI ;
JCP 1999. II. 10078, note P.-Y. GAUTIER ; RTD civ. 1999. 859, obs. F. ZENATI ; Ch. CARON, « Les virtualités dangereuses du droit de
propriété », Defrénois, 1999, art. 37028, p. 897. Rappr. 25 janv. 2000, Bull. civ. I, nº 24 ; RTD civ. 2001. 618, obs. Th. REVET.
35. Cass. 2e civ., 5 juin 2003, Bull. civ. II, nº 175 ; D. 2003. 2461, note E. DREYER ; Defrénois, 2003, art. 37845, p. 1577, note J.-L. AUBERT.

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