Systèmes - Dynamiques du droit de l'urbanisme - 1re - 69

La planification urbaine : premier bloc du droit de l'urbanisme

intégrées par ce document, et déclinées dans son règlement. Les deux voies
d'application de la loi Littoral font, de plus, naître une incohérence : la loi
laisse une marge de manœuvre aux auteurs des documents d'urbanisme,
par l'instauration du rapport de compatibilité, alors que le permis de
construire devrait être directement conforme à la loi Littoral. Mettre sur le
même plan les deux voies revient à nier la marge de manœuvre laissée aux
auteurs des documents, notamment SCOT et PLU, pourtant bien utile pour
appliquer les notions d'« agglomérations et villages existants » ou encore
d'« espaces proches du rivage » sur leur territoire particulier.
Il en résulte d'ailleurs une altération de la norme elle-même : la notion
d'extension de l'urbanisation n'a pas la même portée pour l'application du I.
de l'ancien L. 146-4, actuel L. 121-8 (toute construction est une extension,
cf. la décision Commune de Lavandou) et du II, actuel L. 121-13 (une simple
construction n'est pas une extension, cf. la décision Soleil d'or). Quant à la
notion de « continuité », elle a été dédoublée par la décision Savoie Lac
Investissements : partant du principe que « l'exigence de continuité est
directement applicable aux autorisations d'occupation ou d'utilisation du
sol », elle en déduit que la construction envisagée doit elle-même être
« réalisée en continuité avec les agglomérations et villages existants ». La
logique de l'applicabilité directe est poussée jusqu'à son extrémité : la
règle d'urbanisation se double d'une règle de construction qui se situe bien
loin de l'intention des auteurs de la loi de 1986. Le régime d'urbanisation
était en effet destiné à régir « les orientations qui doivent s'imposer à
l'extension de l'urbanisation dans les communes du littoral »34.
Relevons enfin que l'efficacité de la loi Littoral n'en sort pas renforcée,
malgré l'apparente sévérité de son application : en permettant d'invoquer
directement la loi à l'encontre du permis de construire, la jurisprudence
préserve le PLU éventuellement illégal. L'acte individuel est annulé mais
l'acte réglementaire demeure, dans sa portée générale, permettant au
maire de continuer à délivrer des permis dans une zone qui, au vu du motif
de l'annulation du permis, méconnaît la loi Littoral. Le souci d'efficacité
devrait au contraire pousser à censurer l'acte réglementaire qui méconnaît
les règles supérieures qui s'imposent à lui. Mais il est vrai que cette
démarche passe souvent par la voie de l'exception d'illégalité dirigée
contre le document d'urbanisme (cf. chapitre 3, VI, sur le contentieux des
documents d'urbanisme), que le juge a par ailleurs tenté de restreindre
par souci de sécurité juridique. La loi Littoral, objet de passion, est donc
prise au piège du compromis délicat entre légalité et sécurité.
La hiérarchie des normes d'urbanisme en est passablement brouillée.

34. Cf. rapport fait sur le projet de loi à l'Assemblée nationale, nº 3084, annexé au PV de la
séance du 19 nov. 1985, p. 23.

Table des matières de la publication Systèmes - Dynamiques du droit de l'urbanisme - 1re