Le dommage à l'épreuve des atteintes environnementales Mireille Bacache Professeur à l'école de droit de la Sorbonne (université Paris 1) 1. Le droit français est traditionnellement attaché à un système ouvert de responsabilité civile, la réparation n'étant conditionnée ni par la nature du fait générateur ni par celle du préjudice subi. Le juge joue dès lors un rôle essentiel puisqu'il a toute liberté non seulement pour qualifier de fautif toute sorte de comportement, par la découverte de nouveaux devoirs généraux, mais également pour réparer toute sorte de préjudices quelle que soit la nature de l'intérêt lésé. Ce rôle créateur du juge présente l'énorme avantage de permettre l'adaptation rapide de la responsabilité à l'évolution de la société puisqu'il est au plus près des besoins nouveaux d'indemnisation. La responsabilité civile s'est ainsi progressivement transformée sous l'œil vigilant du juge qui a su solliciter utilement les cinq articles du Code de 1804 restés inchangés depuis. Les fonctions et les fondements de la responsabilité n'ont cessé de se diversifier. L'émancipation de la fonction indemnitaire par rapport à la fonction normative s'est accompagnée de l'émergence d'une fonction préventive. La faute n'est plus le seul fondement de la responsabilité, une responsabilité objective pouvant désormais être fondée sur le risque ou la garantie. 2. Les principes traditionnels qui gouvernent la responsabilité civile en font un instrument d'une souplesse et d'une flexibilité sans fin. Ils traduisent toute la richesse et les potentialités du droit commun dans l'appréhension de nouveaux dommages. Les atteintes à l'environnement en fournissent un nouveau témoignage. Elles permettent de constater les facultés d'adaptation de son dommage, à travers l'assouplissement de son caractère personnel et l'évolution de ses modalités de réparation. I - L'assoupLIssement du caractère personneL du dommage 3. Traditionnellement, le dommage réparable doit revêtir un caractère personnel. Cette affirmation recouvre une double exigence. Elle signifie que seule la victime peut agir en réparation. Elle signifie aussi que seule est réparable le dommage subi par une victime, personne physique ou morale. Or les atteintes à l'environnement ont permis de nuancer ces deux affirmations.