Bibliothèque de droit privé - Tome 579 - Le pouvoir normatif de la Cour de cassation à l'heure actuelle - 198

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LE POUVOIR NORMATIF DE LA COUR DE CASSATION À L'HEURE ACTUELLE

apparaître les différentes étapes et le sens de l'évolution jurisprudentielle, dans
laquelle s'inscrit la décision du 22 mars 2016. « Attendu qu'il y a lieu d'adopter la
même position », conclut-elle, en référence au dernier précédent visé.
Le mois suivant, la première Chambre civile use du même procédé rédactionnel dans un arrêt du 6 avril 2016261. Elle y détaille l'historique de la jurisprudence
au sujet des règles relatives à l'assignation en matière d'infraction de presse. Elle
expose, tout d'abord, le contenu de la « jurisprudence constante » de la Chambre
criminelle, puis celui de la position divergente de la première Chambre civile (« 1re
Civ., 24 septembre 2009, pourvoi n° 08-17. 315, Bull. n° 180 ») et évoque enfin la
décision d'Assemblée plénière du 15 décembre 2013 (« pourvoi n° 11-14. 637,
Bull. n° 1 ») qui unifie la jurisprudence sur ce point. On y trouve donc à nouveau,
les références des arrêts cités, leur contenu et même leur portée et leurs raisons, la
première Chambre civile précisant que l'arrêt d'Assemblée plénière « consacre
l'unicité du procès de presse », et la première Chambre civile en tirant les conséquences du point de vue du destin de sa propre jurisprudence.
226. On mesure le progrès par rapport aux arrêts rendus au cours des
années 2000. Car il ne s'agit plus de retracer une évolution jurisprudentielle par
nécessité, pour parvenir à apprécier la responsabilité d'un professionnel du
droit et fonder la décision judiciaire. L'initiative de la Cour de cassation est
étrangère au point de droit à juger ; il n'était nullement nécessaire de reprendre
expressément les étapes des différentes histoires jurisprudentielles pour motiver les présentes décisions. La Cour régulatrice le fait de sa propre initiative,
comme une démarche de principe, une forme de nouvelle méthode rédactionnelle au service d'une meilleure construction de la décision de justice. Un tel
objectif implique de retracer la jurisprudence antérieure, afin de replacer la
question dans son contexte juridique, d'évaluer les fondements des différentes
positions et enfin de faire un choix entre elles, en tenant compte des exigences
d'unité et de cohérence de la jurisprudence.
Afin d'assurer la lisibilité de la décision, la Cour de cassation est donc en
train de substituer, au traditionnel chaînage externe, réalisé hors de l'arrêt et par
le SDER, un véritable chaînage interne à la manière des Cours européennes, situé
dans les motifs mêmes de la décision et élaboré par la formation de jugement. Ainsi, se reconnaît-elle ouvertement comme une « source » du droit262,
invoquant des éventuelles constances, mais assumant également les divergences
ou ruptures. Le dernier pas serait évidemment franchi si la Cour de cassation
acceptait d'expliquer pourquoi elle opère un revirement, en livrant ses véritables
raisons. Et bien que l'évolution n'en soit qu'à ses prémisses, la Haute juridiction
semble effectivement emprunter cette voie.
(Com., 23 octobre 2007, n° 06-13.979, Bull. n° 226) ; Attendu que cette solution a toutefois été
abandonnée par la troisième chambre civile de cette Cour, qui a récemment jugé "qu'un contrat de
vente conclu pour un prix dérisoire ou vil est nul pour absence de cause et que cette nullité, fondée sur
l'intérêt privé du vendeur, est une nullité relative soumise au délai de prescription de cinq ans" (3e Civ.,
24 octobre 2012, n° 11-21.980) ; que pour sa part, la première chambre civile énonce que la nullité d'un
contrat pour défaut de cause, protectrice du seul intérêt particulier de l'un des cocontractants, est une
nullité relative (1re Civ., 29 septembre 2004, n° 03-10.766, Bull. n° 216) ».
261. Civ. 1re, 6 avr. 2016, n° 15-10552, JurisData n° 2016-006128 ; « Cour de cassation : deux
arrêts "tests" pour une motivation enrichie et innovante », précit.
262. « Cour de cassation : deux arrêts "tests" pour une motivation enrichie et innovante »,
art. précit.

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