Bibliothèque de droit privé - Tome 579 - Le pouvoir normatif de la Cour de cassation à l'heure actuelle - 200

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LE POUVOIR NORMATIF DE LA COUR DE CASSATION À L'HEURE ACTUELLE

saisine d'une formation supérieure de la Cour de cassation, appelée à arbitrer la
divergence, signale que la raison déterminante de la décision rendue tient à l'impératif de cohérence jurisprudentielle. Mais ces dernières années, cette considération
a pris place, de manière explicite, au sein même des motifs de l'arrêt, aux côtés des
précédents jurisprudentiels désormais précisément désignés.
C'est ainsi que, dans l'arrêt précité du 6 avril 2016268, la première Chambre
civile évoque d'abord ouvertement l'existence d'une divergence entre sa propre
jurisprudence et celle de la Chambre criminelle au sujet des règles relatives à l'assignation en matière d'infraction de presse. Elle reprend avec soin le contenu de
chacune des positions. D'un côté, la « jurisprudence constante de la Chambre
criminelle » considère qu'elle doit vérifier d'office si la citation délivrée mentionne
bien le texte prévoyant la peine sanctionnant l'infraction poursuivie, conformément à l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881. De l'autre, un arrêt précisément
référencé de la première Chambre civile269 a jugé que l'assignation demeure
valable, même si elle omet la mention de la sanction pénale encourue que la juridiction civile ne peut prononcer. L'arrêt poursuit la chronologie des événements,
en ajoutant que l'Assemblée plénière est intervenue le 15  décembre 2013 pour
déclarer l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 applicable à la juridiction civile.
L'arrêt en conclut qu'une telle décision, « qui consacre l'unicité du procès de
presse », « conduit à une modification de la jurisprudence précitée, justifiée par la
nécessité d'unifier les règles relatives au contenu de l'assignation en matière d'infractions de presse, que l'action soit engagée devant la juridiction civile ou la
juridiction pénale ».
La décision est déjà remarquable en ce qu'elle admet expressément procéder
à une « modification de la jurisprudence » et, plus avant, poser une « jurisprudence nouvelle ». Mais elle va plus loin en mentionnant la raison déterminante du
revirement : l'unité et la cohérence du droit jurisprudentiel, décrite comme une
« nécessité » pour maintenir l'existence d'une logique du procès de presse.
230. De telles exigences imposent non seulement de mettre fin aux divergences qui pourraient exister entre les Chambres de la Cour de cassation, mais
également de maintenir les lignées jurisprudentielles établies, dans un souci de
continuité et de stabilité du droit.  La référence précédemment envisagée à « la
jurisprudence constante » de la Cour de cassation, assortie le cas échéant d'un ou
plusieurs arrêts référencés, joue alors un rôle plus profond que dans les développements précédents : elle n'est plus uniquement la preuve que la Cour de cassation reconnaît ouvertement l'existence de ses précédents, mais le signe qu'elle en
fait une raison déterminante des décisions rendues.
Les deux avis évoqués, rendus au cours de l'année 2016, permettent d'illustrer ce propos. La décision du 4  janvier 2016270, en se référant à « la
du 6  octobre 2006 (D.  2006.2825, note G. VINEY, JCP  2006.II.10181, avis A.  GARIAZZO, note
M. BILLIAU, I.  115, n°  4 obs.  P.  STOFFEL-MUNCK, RTD  civ.  2007.123, obs.  P.  JOURDAIN,
CCC 2007, n° 63, note LEVENEUR, RDC 2007, p. 540, note P. ANCEL, H. CAPITANT, F. TERRÉ,
Y. LEQUETTE, op.  cit., n°  177, p.  244 et s.) venant réconcilier la première chambre civile et la
chambre commerciale sur le fondement de l'action du tiers contre le débiteur défaillant, lorsque
l'inexécution du contrat lui cause un dommage.
268. Civ. 1re, 6 avr. 2016, précit. V. supra, n° 225.
269. Civ. 1re, 24 septembre 2009, précit.
270. Cass., avis, 4 janv. 2016, précit.
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