Bibliothèque de droit privé - Tome 579 - Le pouvoir normatif de la Cour de cassation à l'heure actuelle - 296

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LE POUVOIR NORMATIF DE LA COUR DE CASSATION À L'HEURE ACTUELLE

une question portant sur l'interprétation de l'article 267-1 ancien du Code civil,
au motif qu'« il n'existe pas, en l'état, d'interprétation jurisprudentielle constante
des dispositions législatives contestées conduisant à opposer une forclusion à la
partie qui formule une demande devant le juge, sans que cette demande ait été
soumise préalablement au notaire »225. Elle a également écarté une question portant sur l'interprétation de l'article 643-13 du Code de commerce, dans la mesure
où « il n'existe pas, en l'état, d'interprétation jurisprudentielle constante autorisant, sur le fondement de la disposition législative critiquée, la contestation d'opérations réalisées par le débiteur entre la clôture de sa liquidation judiciaire et la
reprise de celle-ci ; qu'il en résulte que la question est sans objet »226.
Or, l'identification d'une jurisprudence constante n'est pas une chose aisée227.
Car à partir de quand peut-on considérer qu'il en existe une ? Notamment faut-il
une suite interrompue d'arrêts rendus dans le même sens, ou un seul arrêt peut-il
suffire ? La doctrine semble opter pour cette deuxième opinion. La Cour de cassation a pu l'adopter dans le cadre d'autres contentieux. Mais s'agissant de la
QPC, elle a, par exemple, dans une décision du 21 février 2012228, refusé de voir
une jurisprudence constante dans l'arrêt du 4 mars 2003229, qui transpose au liquidateur une jurisprudence établie sur la recevabilité d'une action ut singuli exercée
par une partie des créanciers contre un tiers230, quoique cet arrêt ait été publié. Le
commentateur en conclut qu'« un seul arrêt, même publié, ne suffit pas à considérer qu'existe une interprétation jurisprudentielle constante des dispositions législatives contestées »231.
Cet arrêt montre ainsi les difficultés entourant la notion de « jurisprudence
constante » dans le cadre de la procédure de QPC, d'autant que la Cour de cassation, loin de préciser les critères de la constance, entretient les doutes, afin de se
ménager une marge de manœuvre232. La Cour suprême sait donc user du filtrage
des QPC, pour conserver une certaine liberté interprétative. Mais même lorsqu'elle
est contrainte de transmettre la question, elle peut exprimer sa créativité au stade
de la mise en œuvre des décisions constitutionnelles.
II. LES SUITES TIRÉES DES DÉCISIONS
DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
397. Le renvoi d'une QPC  n'est pas véritablement décisif. Une fois que le
Conseil constitutionnel s'est prononcé, la décision rendue doit encore être interprétée. La Cour de cassation peut alors tenter d'en limiter les effets, en choisissant
de faire une interprétation stricte de la décision constitutionnelle (A). Elle peut
également user d'un procédé plus avant-gardiste, et mettre cette décision en
concurrence avec la jurisprudence des autres Cours interprétatives (B).
225. Civ. 1re, 13 févr. 2013, n° 12-19.354.
226. Com. 29 janv. 2013, n° 12-40.089, Rev. sociétés 2013. 179, obs. L.-C. HENRY ; B. MATHIEU,
JCP 2013. Doctr. 623.
227. V., supra, n° 220.
228. Com. 21 févr. 2012, n° 11-23.097, Gaz. Pal. 12 juin 2012, n° 164, p. 11, obs. N. RÉGIS.
229. Com., 4 mars 2003, n° 99-11836 : Bull. civ. IV, n° 37.
230. Com., 16 mai 2006, n° 04-17362.
231. N. RÉGIS, obs. précit.
232. P. DEUMIER, « L'interprétation, entre "disposition législative" et "règle jurisprudentielle" »,
précit.
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