Systèmes - La conduite du changement climatique : entre contraintes et incitations - 1re - 165

Propos conclusifs

Cependant, les outils sont souvent hybrides et se superposent.
Les autorités appliquent un portfolio d'instruments plutôt qu'une
mesure unique. On se situe donc bien, comme le suggère le titre
du colloque, dans l'entre-deux, entre contrainte et incitation. Les
mesures comportent en réalité à la fois des éléments de
contraintes gérés par la puissance publique et des éléments
incitatifs. Par exemple, le marché de permis d'émission européen
trouve son origine dans une norme de droit dur, la directive de
2003, mais propose un outil économique flexible.
Pour essayer de comprendre plus finement la distinction, une
définition utile de ce que le juriste peut retenir comme une
incitation est proposée par des auteurs de droit social. Elle nous
paraît transposable au droit de l'environnement et aux mesures sur
le climat. Après avoir rappelé que l'on ne peut tout à fait identifier
règle juridique (la contrainte serait une incitation) et incitation, et
ne pas non plus les opposer (c'est un énoncé de droit dur qui
prévoit l'incitation), ils constatent que certains dispositifs juridiques
méritent, plus que d'autres, de se voir apposer l'épithète « incitatif »,
pour s'inscrire ainsi dans ce que Norberto Bobbio appelle la
« fonction promotionnelle du droit »40. Ils retiennent trois éléments.
Tout d'abord, les incitations sont des mesures finalisées, dont la
mise en place poursuit un objectif bien précis qui est la raison
d'être de cette mesure. Ensuite, l'incitation passe par un bénéfice,
le plus souvent une récompense financière. Mais elle peut prendre
une autre forme comme un allègement procédural. Enfin, le
destinataire est supposé rationnel et intéressé et devrait de ce fait
poursuivre la norme établie car il aura admis que son intérêt
personnel en relève41.
Pour appliquer ce raisonnement aux règles sur le changement
climatique, il nous faudrait donc identifier des normes qui ont pour
objectif de réduire les émissions de GES. Cela peut être à travers la
limitation de GES produites directement par des industries, des
véhicules, des exploitations agricoles, ou indirectement, par des
mesures de réduction de la consommation énergétique, celle-ci
reposant en partie sur les énergies fossiles. En revanche, pour
l'adaptation, qui reste un concept très large, la définition de mesures
40. BOBBIO N., Essais de théorie du droit, LGDJ, 1998. Cette fonction promotionnelle du droit est
liée à la mise en place de l'État providence et l'intervention croissante de ce dernier dans
l'économie, à travers de nouvelles techniques qui se fondent sur l'incitation et la
récompense plutôt que la contrainte.
41. LECLERC O., SACHS T., « Gouverner par les incitations. La diffusion d'une logique incitative
dans le droit du travail », Revue française de socio-économie, nº 2, 2015, p. 171-185.

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